Après le 14 juin?

Après le 14 juin?

Les associations professionnelles et les syndicats se sont mobilisés pendant plus d’une année pour organiser la grève féministe / grève des femmes* de ce 14 juin 2019. De nombreuses discriminations ont été constatées et dénoncées dans tous les secteurs. Les femmes de toute la Suisse se sont approprié l’espace public de 00H01 à 23h59, elles ont fait la grève du travail rémunéré, du travail ménager et de la consommation. Elles ont manifesté dans la rue pour porter leurs revendications et montrer leur détermination à obtenir de vrais changements pour enfin atteindre cette égalité hommes-femmes inscrite dans la constitution depuis 1981. Aujourd’hui, ce 14 juin que nous avons tant préparé est derrière nous. Quelle suite donner à cette mobilisation? Quels indicateurs pour mesurer l’atteinte de nos objectifs?

Du déséquilibre de l’encadrement PAT entre le primaire et le secondaire 

Afin d’illustrer le sexisme ordinaire qui modélise encore le fonctionnement de l’école publique, permettez-moi ici de m’adonner à un petit exercice de comparaison. L’établissement primaire de Veyrier, composé de trois écoles (Grand-Salève, Bois-Gourmand et Pinchat) accueille actuellement 980 élèves. Pour soutenir la direction d’établissement dans la gestion de cet établissement hors normes, il y a une secrétaire à 100% et 31 périodes dévolues aux maitres·ses adjoint·es (MA), réparties entre les trois écoles. Depuis cette année, l’établissement a également été doté d’une éducatrice qui travaille à 50%. Le volet médical est assuré à 60% par une infirmière (une journée par école). Enfin, l’entretien des bâtiments est confié à trois concierges (un par école). 

Le cycle de Drize quant à lui accueille environ 800 élèves. Il est géré par un directeur. Le secrétariat est composé de deux secrétaires (dont une responsable du service des remplacements) à temps partiel, cumulant environ un poste à 150%, une stagiaire et un économe comptable à environ à 50%. La gestion RH du personnel PAT est dévolue à une administratrice qui est membre du conseil de direction. Pour soutenir la direction au niveau pédagogique, il y a également quatre doyen·nes déchargé·es à près de 50% de leurs heures d’enseignement. Le staff est également composé d’une bibliothécaire, de deux assistant·es techniques à temps partiel qui sont chargé·es de la préparation des labos et de l’entretien technique (informatique, beamer, photocopieuses) et d’un concierge qui assure l’intendance. Le volet «médical» est quant à lui composé d’une infirmière à 50%, de deux assistantes sociales à temps partiel, de deux psychologues et d’une orientatrice professionnelle. 

S’il ne fallait retenir qu’un seul élément justifiant la mobilisation du 14 juin des enseignant·es primaire, ce serait la disproportion des moyens octroyés entre le primaire et le secondaire, car elle dénote notamment le peu d’estime que le département et le Grand Conseil accordent encore actuellement aux besoins de l’école primaire et à notre corps professionnel. Un corps professionnel composé à 85% de femmes. Or, plus l’on monte dans l’âge des élèves, plus la proportion masculine du corps enseignant augmente. Si l’on connait aujourd’hui le fameux «plafond de verre» qui tend à bloquer l’ascension hiérarchique des femmes, il est regrettable de constater qu’une hiérarchie semble s’être établie entre les différents ordres d’enseignement et qu’elle continue, sans réelles justifications factuelles, à être cultivée. Si vous, enseignant·es du primaire, êtes effaré·es de constater les moyens qui sont accordés au niveau administratif et technique pour soutenir la direction et les enseignant·es du cycle d’orientation, dites-vous bien que l’on peut presque doubler ces effectifs pour un établissement du post-obligatoire. Il est également intéressant de se demander ce qui justifie qu’un·e directeur·trice du primaire soit rémunéré·e en classe 24 et que son ou sa collègue du secondaire le soit en classe 26. Le fait que dans le secondaire, la responsabilité du bâtiment incombe aux directions ne suffit toutefois pas à justifier la différence d’encadrement PAT entre les établissements du primaire et du secondaire. 

De la surcharge administrative des enseignant·es du primaire

Nous dénonçons depuis des années la surcharge administrative des enseignant·es du primaire, mais elle est constamment remise en question par le département et la DGEO. Or, c’est au sein de ce hiatus entre le primaire et le secondaire que se situe entre autres cette fameuse surcharge. Ce qui au cycle est dévolu au secrétariat et à l’équipe médicale et technique est porté en primaire par les titulaires: compléter les rapports et les PES (procédure d'évaluation standardisée), saisir les résultats des épreuves cantonales dans GECO, prendre à sa charge les innombrables échanges de courriels et d’appels pour organiser des réseaux, rédiger des PV d’entretiens ou de séances, mener des entretiens difficiles, gérer la photocopieuse et ses nombreux bourrages, installer un beamer pour projeter des images ou un documentaire, constater qu’il manque une prise, chercher la prise dans toutes les classes, cliquer sur la bouée pour signaler un problème informatique, attendre plusieurs jours avant d’obtenir une réponse, gérer les fournitures scolaires ou le matériel technique qu’il faut commander et aller chercher à l’économat du DIP ou au SEM, organiser, préparer et entretenir l’économat de l’école et l’atelier du livre (étiqueter, numéroter, numériser, plastifier tous les livres, gérer les prêts), chercher des remplaçant·es et des accompagnant·es, rechercher des remplaçant·es et des acccompagnant·es dans l’urgence en cas de désistement, préparer ses remplacements, entretenir et aménager l’espace classe pour offrir un lieu propice aux apprentissages. S’il revient encore aux titulaires d’endosser ces différentes responsabilités, c’est notamment parce que nous restons enfermé·es dans ces stéréotypes de genre où il revient aux femmes – plus maternelles – d’éduquer les enfants et aux hommes – qui ont plus de poigne – d’instruire des élèves. Nous sommes encore les héritier·ères de cet ancien adage dont l’école primaire continue à pâtir «petits élèves, petits problèmes» et nous commençons seulement à prendre conscience qu’il n’en est rien. Néanmoins, certaines missions associées au «prendre soin» sont «naturellement» confiées à des femmes et souvent à titre gracieux, car leur prise en charge relèverait de l’instinct maternel et non de compétences acquises. Ainsi, si l’on envisage encore de demander à une enseignante primaire de changer la couche d’un enfant de 11 ans, personne n’envisagerait de confier cette même tâche à un enseignant du secondaire.

La mobilisation fut belle le 14 juin, néanmoins, il y a encore de l’ouvrage au primaire pour atteindre l’égalité et faire reconnaitre le jugement professionnel des enseignant·es. On peut en effet constater que nul autre ordre d’enseignement n’est aussi peu reconnu et entendu que celui du primaire. Même lorsque les enseignant·es prennent position de manière forte sur des questions pédagogiques, notamment sur l’utilisation des ouvrages de référence pendant les épreuves cantonales, la conseillère d’État peine à reconnaitre la validité de leur jugement professionnel. L’école primaire genevoise n’ira mieux qu’à partir du moment où l’on prendra conscience des inégalités sexistes qui régissent encore l’organisation et l’attribution des tâches entre les établissements du primaire et du secondaire et qu’on prendra au sérieux les problématiques du primaire, ses réels besoins et ceux de ses professionnel·les.

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