Conte africain ou compte à fric, hein ?

Conte africain ou compte à fric, hein ?

Si les bons contes, à en croire Bruno Bettelheim et d’autres, sont structurants pour le développement de l’enfant, les bons comptes, loin de faire les bons amis, contribuent largement au sous-développement des uns et surtout des autres, un peu plus au sud. Faisant d’une pierre deux coups, l’Edulcateur, suivant ainsi les recommandations d’économie prescrites en haut lieu, aborde ici cette double problématique par un conte narré à notre rédalcateur par un griot des hautes plaines d’un royaume africain connu de la rédalcation.

La girafe qui pleure sous la lune dans le cratère 

Il était une fois, il n’y a pas si longtemps et très loin d’ici, un roi aimé de ses sujets tant sa bonté et son équité rayonnaient de ce qu’était alors le lac Tchad aux neiges d’antan du Kilimandjaro. 

Le bonheur, dans ce sud merveilleux, aurait pu durer plus d’un million d’années, et toujours en été, si un conseiller fourbe n’avait pris possession de l’esprit du roi, en lui tenant – je cite de mémoire – à peu près ce langage:

– Sire, jetez, je vous prie un coup d’oeil sur ce chart!

– Ce quoi? interrogea le souverain, interpellé par ce vocable aux consonances anglo-saxonnes peu familières à son oreille d’ex-colonie française.

– Ce chart, Majesté. Ou ce graphique, comme le nomment encore quelques tribus attardées de la vallée du Sohlida-Rité.

– Ah! Quand on me parle français, je comprends tout de suite mieux. Alors, mon bon conseiller, que suis-je censé voir dans cette courbe, fort disgracieuse au demeurant?

A ces mots, le visage du conseiller du roi s’assombrit, au sens figuré, car sombre, son teint l’était déjà, enfin voyez c’que j’veux dire, bon passons, venons-en au fait, on va pas y arriver avant Noël si on commence à déconner, alors on se concentre, les p’tits loups. 

Donc, disais-je, une ombre passa sur le visage du conseiller qui s’en expliqua par, je cite de mémoire, à peu près ces mots:

– M’enfin, sire, ce fléchissement du PNB ne frappe-t-il point votre sagesse légendaire?

– Du Péhainebé? Quel est ce galimatias barbare dont la signification se dérobe à mes oreilles?

– Le PNB, majesté, expliqua l’homme de l’art non sans une pointe d’agacement, se disant in petto: «Non, mais d’où il sort celui-là, c’est pas vrai, j’hallucine grave, eh oh.» Produit National Brut. Soit, je fais simple sinon on y passera la nuit, le total de tout l’argent gagné dans le royaume.

Une ombre de scepticisme passa sur le noble faciès du souverain, là aussi au figuré, car sa peau d’ébène n’avait rien à envier à celle du conseiller, enfin voir ci-dessus. De la bouche royale sortirent approximativement les propos que je cite de mémoire, infidèle peut-être à la lettre mais non à l’esprit:

– Et alors, mon ami? Où est le problème? Ne dit-on point qu’aucun arbre ne peut pousser jusqu’au ciel? Ne serait-ce point l’effet de la sage politique appliquée sous mon règne? Les objectifs étant atteints, nul besoin d’augmenter à l’infini recettes et dépenses! Détendez-vous, mon fidèle conseiller!

Alors, sentant que la maîtrise du problème était sur le point de lui échapper, le conseiller félon fit un signe à ses sbires habilement dissimulés derrière une tenture du palais, lesquels se saisirent du roi et le firent passer de mort à trépas à l’aide de force instruments contondants, tranchants, voire les deux. Le conseiller revêtit les habits du monarque, se fit faire un bref relookage pour ressembler à celui qui était son maître, abusant ainsi ses sujets qui, on le sait depuis la colonisation, sont de grands enfants.

Il put alors mettre en oeuvre son dessein machiavélique. Il fit bâtir des cités gigantesques en banlieue, boostant le chiffre d’affaires des entreprises de construction. Dans lesdites cités, les problèmes d’incivilité explosèrent, nécessitant l’engagement d’une armée de flics, éducateurs, psychologues, enseignants aux nerfs d’acier, autant de salaires versés et injectés dans l’économie en pleine expansion du royaume. Les ventes de voitures pour remplacer celles incendiées par les résidents des banlieues battirent tous les records, les primes d’assurance pour se protéger de cette racaille prirent l’ascenseur, mais comme rien n’y fit, on rasa les cités pour les reconstruire plus loin et recommencer ainsi le cycle complet.

Et c’est ainsi que le PNB du royaume reprit un trend franchement haussier et que ce pays perdit son âme. Et certaines nuits de pleine lune, s’élevant du cratère d’un volcan éteint, on entend, portée par le vent du sud, la plainte de la girafe, disant à peu près ceci, je cite de mémoire:

– Ah là là, ces humains, ils n’en feront jamais d’autres, ou plutôt si, ils en referont encore beaucoup d’autres, vite broutons cette touffe d’acacias avant que notre espèce ne disparaisse totalement de la surface de cette planète que Dieu a confié à l’Homme, mais où avait-Il la tête?

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