La Talentothèque - 08/2023

La Talentothèque

Je vote, donc j’apprends !

Pratiquer la démocratie en organisant des simulations de vote et d’élection à l’école

 

 

Jeremy enseigne dans une commune genevoise, et à chaque votation ou élection, il fait vivre à ces futur·es citoyen·nes l’exercice d'un droit fondamental : le vote.

 

 

Je sais que tu abordes avec tes élèves des thèmes de l’éducation civique de manière originale. Raconte-nous comment tu fais !

Jeremy : Chaque fois qu’il y a des votations ou des élections dans notre canton, j’organise des sessions de vote dans ma classe. Très concrètement, j’arrive avec mon enveloppe de vote fermée ; ainsi, les élèves et moi découvrons ensemble le matériel, en sachant qu’évidemment je me suis préparé en amont. C’est alors l’occasion de parler de ce qu’est la démocratie, pourquoi on vote, qui peut voter, comment cela se passe ... Une des conditions pour faire cela avec mes élèves est la confidentialité de mon choix et du leur : ils·elles ne sauront jamais ce que j’ai réellement voté et ils·elles ne sont jamais obligé·es d’annoncer leurs votes.

Voilà comment je procède : après cette première découverte du matériel de vote, je le photocopie. Puis nous organisons en classe des semaines de « campagne » ou d’information. La manière la plus neutre que j’ai trouvée pour faire cela est que je joue des rôles différents : dans le cas d’un objet en votation, la semaine A je fais semblant d’être un fervent promoteur du « pour », la semaine B d’être totalement « contre » l’objet en votation. Et ainsi, j’organise des phases de débats que j’anime également en permettant aux élèves de poser des questions, en les relançant sur leurs opinions. Après cela … « on vote » ! Et par la suite nous analysons les résultats de la classe, en les comparant avec les résultats des vraies votations – à quoi ressemblent nos pourcentages de vote ? En quoi sont-ils très différents ou proches des résultats aux niveaux fédéral, cantonal, communal ? Et comment cela se fait-il, par exemple, qu’ils soient similaires – ou différents – de ceux de notre commune de résidence ?

 

C’est très intéressant ! Et pour les élections, tu fais comment ?

Là aussi on fonctionne par phases. D’abord, on découvre les candidat·es uniquement par leur photo officielle et on fait une première simulation de vote. On s’aperçoit ainsi que c’est souvent sur des critères esthétiques, pour ne pas dire cosmétiques, que les candidat·es sont évalué·es. Deuxième étape : on regarde les affiches avec les mises en scène et les slogans qui résument leurs programmes et on vote de nouveau. Déjà là, on voit l’effet des symboles sur ce jeune « électorat en devenir » : par exemple, la présence du jet d’eau et du drapeau genevois pèse de manière significative sur leur préférence pour un candidat ou une candidate ! On passe ensuite à une troisième phase, où on écoute un débat entre plusieurs candidat·es. Les élèves ne doivent pas pouvoir identifier qui parle. Ce qu’ils·elles écoutent est une séquence difficilement compréhensible pour eux et pour elles, car non vulgarisée ... Ainsi, ils·elles votent pour le meilleur orateur ou la meilleure oratrice sans tenir forcément compte des idées proposées. Vient ensuite une quatrième phase où on décortique les textes qui présentent les programmes, et on vote sans connaitre l’identité de la personne qui soutient telle ou telle idée. Là aussi, on prend conscience, en analysant nos résultats de vote, qu’il y a souvent une grande disparité entre les résultats du troisième et du quatrième « tour ». Enfin, les élèves assistent à des passages du débat final télévisé où tous les éléments sont mis bout à bout. Là, il y a le vote final proprement dit, celui dont on tiendra compte dans les comparaisons avec la population votante. Tout ce cheminement me permet d’aborder avec eux les différents biais que l’on peut avoir lorsque l’on vote.

 

J’imagine qu’avec un tel projet, tu touches à beaucoup de disciplines et objectifs d’apprentissage.

Absolument. Évidemment, au-delà de ce qui relève des Sciences humaines et sociales (SHS)-Citoyenneté dans le PER, on travaille aussi la production et la compréhension orale, souvent délaissées dans le cycle 2. On fait aussi des « débats philo » sur les thèmes en votation. Par exemple en 2021, à l’occasion de la votation concernant le « Mariage pour tou·x·tes », les échanges étaient très intéressants, et adaptés à une classe de 8e HarmoS. À cette occasion, je me suis accordé avec ma direction ainsi que la personne qui intervient sur l’éducation sexuelle qui a été de très bon conseil pour légitimer ce genre de sujets qui peuvent rapidement devenir plus sensibles.

 

Je me demande s’il y a des sujets tabous que tu ne souhaites pas aborder en classe…

Pas de tabous – mais j’évite des thèmes qui ont moins de sens pour les élèves, comme les questions d’imposition ou de fiscalité des entreprises par exemple. Mon maitre mot est de laisser venir de la classe les questions qui passionnent. Ce sont mes élèves qui, par exemple, m’ont proposé d’aborder les votations sur la chasse plutôt que les autres objets de vote soumis à la population à cette époque. À mon sens, si l’on part des questions et des remarques des élèves, on ne peut pas faire faux ni risquer de les brusquer, puisque l’on se base sur leurs préoccupations.

 

Quels conseils donnerais-tu à qui voudrait tenter la même expérience dans sa classe ?

Alors, tout bêtement, il ne faut pas oublier de photocopier les bulletins de vote avant de voter soi-même ( je me suis fait avoir une fois ! ). Plus sérieusement, si on a la chance de suivre deux années de suite sa classe, on peut généraliser cette pratique afin de renforcer leur sens du débat et de la démocratie ( accepter l’avis des autres ) et ce, d’autant qu’il n’y a pas si souvent des votations abordables pour des élèves qui sont proposées ! J’ajouterais encore qu’il est essentiel d’être très bien renseigné sur les objets en votation. C’est pourquoi, pour celles et ceux qui se lanceraient dans l’aventure, je leur conseillerais de consulter le site Smartvote où tous les sujets sont décortiqués. On trouve aussi sur YouTube des vidéos explicatives, produites soit par le Conseil Fédéral, soit par easyvote ( ce dernier est parfois plus neutre ). Et puis il faut oser y aller. C’est essentiel, ne serait-ce que pour lutter contre les tendances à l’abstention des citoyen·nes. 

Les numéros complets de la revue, les dossiers pédagogiques et les articles qui les constituent peuvent être consultés par les abonné·es connecté·es.
Faute d’abonnement, il est possible de les obtenir au format PDF. [Numéro ou Dossier : 11 CHF; Article : 2 CHF.]
Si disponibles, des éditions imprimées des numéros de la revue peuvent être commandées à secretariat@revue-educateur.net.

S'abonner Accéder au numéro complet

SER

Secrétariat

Lundi, mardi, jeudi, de 08h00 à 16h30 et mercredi matin Av. de la Gare 40 / CP 416 1920 Martigny 1 Tél : 027 / 723 59 60

ser@le-ser.ch

CONTACTS

Bureau du Comité du SER

David Rey, président Tél : 079 / 371 69 74

d.rey@le-ser.ch

Olivier Solioz, vice-président

o.solioz@le-ser.ch

Pierre-Alain Porret, SG nommé

p-a.porret@le-ser.ch

Administration

Véronique Jacquier Darbellay

v.jacquier@le-ser.ch

Educateur

Secrétariat

Lundi, mardi, jeudi, de 08h00 à 16h30 et mercredi matin Av. de la Gare 40 / CP 416 1920 Martigny 1 Tél : 027 / 723 58 80

secretariat@revue-educateur.net

Rédactrice en chef

Nicole Rohrbach Tél : 078 / 742 26 34

redaction@revue-educateur.net

Prépresse et régie publicitaire

Sylvie Malogorski Défago Tél : 027 / 565 58 43

communication@revue-educateur.net