La Talentothèque - 1/2023

La Talentothèque

Les petits livres, quelle grande idée !

 

Quand une classe d’école primaire crée sa propre maison d’édition

 

« Un enfant, un professeur, un livre, un crayon peuvent changer le monde. »

Malala Yousafzai – Discours aux Nations unies du 12 juillet 2013

 

 

 

Matthias n’a pas attendu d’avoir une longue expérience professionnelle pour se lancer dans des projets ambitieux avec ses élèves : ici il nous raconte comment est née et s’est concrétisée l’idée de créer une maison d’édition avec ses élèves de 5e HarmoS.

 

Une maison d’édition créée avec des élèves d’école primaire : d’où vient cette idée ?

Mathias : La pédagogie de projet en général, où les élèves sont acteurs et actrices et portent en première personne leurs apprentissages, valorisés ainsi pour leurs singularités, me correspond. C’est une position de fond dans ma posture : essayer au maximum de casser les murs de la classe, ancrer les apprentissages dans la vraie vie, ouvrir l’école au monde et ainsi donner du sens à tout ce qu’on y fait. J’avais vu un film où un tel projet de maison d’édition avec les élèves avait été réalisé, et j’ai tout de suite voulu tenter l’expérience – je crois aussi que le message que je voulais transmettre à ma classe était : on peut tout faire, même en n’ayant que 8 ou 9 ans !

 

Comment cela s’est-il concrétisé ?

La première étape a été d’entamer une collaboration avec la bibliothécaire scolaire, qui a été enthousiaste pour se mettre à disposition pour le prêt les livres qu’on allait produire avec notre maison d’édition.

Avec les élèves, cela s’est fait par étapes. Au début, pour eux et pour elles, c’était plutôt abstrait, car c’est moi qui ai amené le projet. Les élèves m’ont suivi et se sont mobilisé·es, notamment à travers le conseil de classe. Une source d’inspiration importante est venue des animations de la bibliothécaire sur la chaine de production du livre et les métiers impliqués – écriture, illustration, graphisme, reliure et imprimerie, distribution. Nous avons ensuite choisi collectivement le nom de notre maison d’édition : Les petits livres.

Concrètement, un petit livre est une simple feuille de papier A4 pliée, découpée et repliée d’une certaine façon. Le livre possède huit pages et il est possible, en le dépliant totalement, de le photocopier pour en produire des séries de plusieurs exemplaires.

Et puis on a commencé – la première série était basée sur le conte merveilleux travaillé en français. C’est ainsi que sont nés les premiers vingt petits livres, chacun en vingt exemplaires. Cinq exemplaires sont offerts à l’auteur·e du petit livre comme « salaire ». Puis chaque élève en a aussi écrit un autre pour se présenter. On a aussi des rituels comme les ateliers d’écriture quotidien, inspirés par les projets d’Oulipo 1. Cela a aussi donné lieu à des séries de petits livres collectifs. Et encore, nous avons travaillé sur des recettes de cuisine emblématiques de chaque famille, définissant l’identité « culinaire » de notre classe. Le cadeau de Noël pour les familles était donc le kit des vingt-et-une recettes : certaines d’entre elles ont passé les vacances de Noël à les tester ! Je constate que tout cela a eu un impact important sur mes élèves, ne serait-ce que sur leur grand plaisir d’écriture. Ils et elles ont également appris à réaliser des illustrations, à tenir la comptabilité de notre maison d’édition, à émettre des factures pour la bibliothèque scolaire, à organiser et classer les livres, à utiliser les ordinateurs pour la rédaction des livres ... les apprentissages sont nombreux !

 

On voit que le projet est véritablement global et très interdisciplinaire.

C’est exact. Dans le cadre du conseil de classe, une élève a proposé de vendre les livres; on a donc décidé d’un prix, et les élèves ont créé un bon de commande pour les familles, la bibliothèque ainsi que le parascolaire. Cela nous a permis de constituer une caisse de classe, et de mener de jolis débats sur l’usage de cet argent : des plantes pour la classe, des BD ...

Il y a eu aussi tout un projet sur les stéréotypes de genre, qui a aussi donné lieu à l’écriture, en petits groupes, d’histoire avec un héros ou héroïne de l’autre sexe. Les élèves, en tant qu’auteur·es, sont devenu·es porte-paroles de cette thématique !

Lors de la deuxième année du projet, l’idée est née de se lancer dans l’organisation d’un stand au marché de Pully. Cela a permis d’apprendre à s’organiser pour les commandes, le stockage, la vente … et le jour du marché, cela a été totalement autogéré. Les élèves ont fait cela comme des chef·fes, appelaient les client·es potentiel·les, tenaient le stand, faisaient faire des visites guidées virtuelles sur une maquette de notre salle de classe qu’on avait imprimée en 3D …

Cela a été pour moi un moment de grâce – parce que je ne servais à rien : c’était pour moi le plus grand signe de ma réussite. D’ailleurs la classe a prévu de refaire l’expérience, et d’envoyer l’argent gagné en Ukraine. Ce qui est beau, c’est que cela leur donne du pouvoir sur le monde : les élèves ont travaillé dur pour produire ces livres et ils·elles étaient tellement fièr·es de les partager avec un public.

 

Quels conseils donner à des collègues qui voudraient se lancer ?

La première chose, c’est l’attitude : y croire, vraiment, et non pas l’utiliser comme subterfuge pour les faire travailler. Et après cela, il y a des défis techniques, mais avec un peu d’organisation c’est faisable. Il faut par contre se préparer à lâcher prise, perdre un peu le contrôle, se convaincre qu’on sera complètement en cohérence avec le Plan d’études romand, voire même plus que si on travaille de manière traditionnelle. 

 

1 Ouvroir de littérature potentielle - https://www.oulipo.net

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