On ne peut pas être enseignant sans générosité…

On ne peut pas être enseignant sans générosité…

 

Le 25 mai 2012, dans le cadre d'une journée organisée conjointement par l'URSP* et par l'Institut des sciences sociales de l'Université de Lausanne pour marquer le départ d'Alex Blanchet de la direction de la recherche «officielle» vaudoise en éducation, ce dernier livrait en quelque sorte une forme de «testament». A la fin de son intervention qui marquait la fin du colloque, Alex Blanchet, évoquant la question de la vocation, affirmait, presque sans y toucher, qu'à ce qu'il pouvait en connaître, «on ne peut pas être enseignant sans générosité… générosité de son savoir, mais aussi générosité de son temps».

Voilà qui pourra résonner étrangement à l'oreille de ceux dont la mission est de porter devant l'employeur les difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés les collègues, les contradictions, l'empilement trop peu signifiant de leurs missions et le burn-out qui, en définitive, menace en permanence. Il est facile de proposer une réponse à l'assertion du chercheur: «OK pour la générosité, mais à celle de l'enseignant doit correspondre à même hauteur celle de l'employeur! Un à un, balle au centre. Circulez!...» Au-delà, calmement, n'est-il pourtant pas possible d'entrer en matière et de se demander si Alex Blanchet, tout en douceur, avec le calme et la distance qui caractérise ses interventions, ne mettait pas le doigt là où ça peut faire un peu mal? Car il faut bien s'interroger sur la perte de respect et de reconnaissance sociale dont sont victimes tant la profession enseignante que les enseignants eux-mêmes.

Dans cet affaiblissement, l'employeur a sa très importante part, engagé qu'il est sur un chemin gestionnaire de l'école et des actes des enseignants qui remplace la confiance par le contrôle, conduisant chacun à se transformer en comptable de son temps professionnel à la minute près. L'hypertrophie et la multiplication d'actes administratifs plus ou moins reconnus et plus ou moins obscurs en sont les preuves les plus immédiatement visibles. Sans revenir sur la perte de la «nomination», reconnaissance symbolique d'un engagement à composante vocationnelle. Ainsi en va-t-il aussi du «carnet du lait», comptabilité offensante des périodes enseignées, que nous avons encore récemment ici évoqué et dénoncé. Car les faits sont têtus. Si la note – quelle qu'en soit la déclinaison – reste le salaire de l'élève, celui de l'enseignant demeure en lien direct avec les périodes d'enseignement dont il a la charge. Un mi-temps de généraliste vaudois se décline en 14 périodes sur 28 et un salaire simplement divisé par deux. Comment alors, avec une approche aussi fade, couplée à une administration tentaculaire, défendre qu'au-delà de la générosité de son savoir il soit attendu de l'enseignant qu'il offre de son temps plus que demandé contractuellement? Et pourtant.

Et pourtant, si nous prenions au mot l'affirmation d'Alex Blanchet? Les consignes et les règlements se multiplient… Faisons-en fi! Sortons encore plus avec les élèves, alors que menace le juridisme au moindre incident. Assumons avec générosité la mission pour laquelle nous nous sommes engagés et pour laquelle l'employeur nous engage et nous rétribue. Osons «dire et affirmer » cette générosité, comme nous y invite l'ancien directeur de l'URSP. Prenons sur nous, en nous opposant à ceux qui corsètent notre action: le bus scolaire attend l'élève… Qu'importe! Si l'on estime qu'un moment d'échange plus personnel en fin de journée serait utile à débloquer un apprentissage, assumons et débrouillons-nous pour qu'il puisse, même un peu plus tard que ses camarades, rejoindre le domicile familial… Si une famille ne peut se libérer, accueillons-la à l'école, même à 18 h 30. Approchons-nous, avec générosité, des collègues que l'on surprendrait à n'en pas faire preuve. Ne rechignons pas à travailler en équipe, même un mercredi après-midi ensoleillé…

Dans le fond, savoir dire oui est peut-être plus difficile que de savoir dire non, être du côté lumineux de la force moins aisé que d’être de son côté obscur. Assumons, faisons renaître le beau mot de vocation. Droits dans nos bottes, nous pourrons alors dire non sans ambiguïté, quand c'est cette vocation qui est bafouée, bridée, entravée par un management scolaire qui ressemble de plus en plus à celui d'une fabrique de voitures ou de conserves de petits pois. Mais, dans le fond, cet engagement généreux – et Alex Blanchet le sait bien – n'est-il pas encore l'apanage de la majorité d'entre nous?

Soleil! C'est l'été!

 

 

* Unité de recherche pour le pilotage des systèmes pédagogiques. L’URSP a pour mission de fournir des informations et des analyses quantitatives et qualitatives sur le système scolaire et ses innovations pédagogiques, en particulier en terre vaudoise.

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