Plein écran: Entretien avec Lionel Baier - 8/2022

Plein écran: Entretien avec Lionel Baier

Entretien téléphonique avec Lionel Baier (ancien responsable du département cinéma de l’ECAL), réalisateur de La Dérive des continents (au sud).

 

 

 

Vu le sujet du film (L’UE et les réfugié·es), avez-vous rencontré des difficultés pour financer votre film ?

L.B. : Oui, ce fut compliqué d’expliquer le projet et de convaincre les producteurs rebutés par ce traitement comique. Ils auraient préféré un vrai drame. À mes yeux, l’humour ne signifie pas forcément légèreté. C’est plutôt une sorte de contrechamp, l’angle mort de la réalité.

 

Dans la plupart de vos films, encore plus dans celui-ci, vous multipliez les séquences joyeuses quasi burlesques.

Enfant, j’ai été nourri aux comédies de Chaplin, De Funès, du cinéma italien. Des films qui abordaient des sujets très politiques avec humour et gravité. Je crains toujours de donner des leçons. Alors, avec l’humour, je crée de la complicité avec le spectateur.


La jeune Camerounaise qui harangue les manifestants pro-réfugiés à la fin du film m’a fait penser au discours final de Chaplin dans Le Dictateur.

Elisabeth Owona était d’accord de participer au tournage à condition qu’elle puisse exprimer ses revendications. J’ai donc ajouté cette scène pas prévue au scénario initial. Une scène essentielle tant elle remet les pendules à l’heure.


L’acteur Tom Villa dans le rôle du conseiller de Macron est irrésistible. Comment donne-t-on vie à un tel personnage ?

Les sorties de Charlan (personnage incarné par Tom Villa) sont basées sur mes observations à la télé de l’ancien porte-parole de Macron, Gabriel Attal. Macron est entouré de trentenaires sans empathie aucune, hors-sol et capables d’une telle violence dans leurs propos. Le récent discours de Macron sur la fin de l’abondance et de l’insouciance est le parfait exemple de ce violent cynisme.


Autre personnage savoureux, Albert, joué par Théodore Pellerin, est extraordinaire dans ce rôle du fils traversé de sentiments contradictoires envers sa mère.

Ce personnage m’est très proche. À 18 ans, j’étais aussi très intransigeant et extrémiste. Plus âgé, on devient plus raisonnable, mais sans forcément avoir davantage raison que les plus jeunes ! C’est ensemble que l’on peut tendre vers des réponses justes.


De nombreuses scènes de votre film sont silencieuses comme en suspens.

Avec ces respirations, le spectateur trouve sa place dans le film. Ces silences révèlent l’état de dépassement dans lequel sont placés les personnages du film. Ils sont au centre de ce mouvement des plaques tectoniques tant au niveau des continents que de leurs sentiments. Ces deux corps, Nathalie et Albert, forment une petite ile. Ils se perdent, cherchent à remplir leurs failles puis se retrouvent.


À plusieurs reprises, un réfugié à bicyclette apparait en arrière-plan dans des scènes.

Les réfugiés apparaissent surtout dans leurs conditions de victimes ou d’exploités dans les maraichages. Sinon, ils sont invisibles. Je tenais à les faire exister dans des activités autres.


Un message pour le public enseignant ?

Vingt-sept avant-premières du film sont prévues prochainement dans les cinémas de Suisse romande. Je suis très curieux de voir comment les spectateurs et les spectatrices vont s’approprier le film et créer du sens. Je conçois mes films en laissant la possibilité au spectateur d’en être auteur. Je souhaiterais infiniment que l’école consacre davantage de temps à la lecture de l’image, qu’une vraie formation soit instaurée à tous les degrés scolaires. Comprendre très tôt ce qu’est une image, sa différence avec la réalité, contribuerait à un public plus averti.

 

Entretien réalisé par Marc Houvet

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