Quelques questions sur la «Francophonie»

Quelques questions sur la «Francophonie»

«Si nous sommes ici, aujourd’hui, c’est parce que nous voulons lire le présent à la lumière des grandes dates de notre histoire partagée pour mieux inventer et organiser notre devenir commun.» Abdou Diouf (Discours à la 36e session de l’assemblée parlementaire de la Francophonie, 6 juillet 2010)

Dernier avatar du colonialisme? ou, a contrario, lieu privilégié de mise en question du capitalisme mondialisé?

L’honneur fait à Montreux de recevoir en octobre le XIIIe Sommet de la Francophonie, ainsi que la participation du SER – aux côtés de la Conférence intercantonale de l’instruction publique (CIIP), c’est-à-dire de l’employeur – à certaines des «festivités » mises sur pied à cette occasion, permet de questionner le concept même de cette organisation1. 

Ainsi, à l’heure où la pensée consensuelle commande le respect intégral de l’histoire des peuples et de leurs cultures (singulièrement si ces dernières sont étrangères à la culture «locale» des pays du Nord), il semble utile de rappeler le fait que la Francophonie représente d’abord l’héritage formel et géographique du passé colonial de la France et, dans une moindre mesure, de la Belgique. Voilà pour une première observation. La Francophonie, telle que l’a désirée notamment Léopold Sédar Senghor2 , communiste, prisonnier de guerre et qui fut ministre après guerre dans la France coloniale, fut d’abord une tentative de lutter contre l’émiettement post-colonial de l’Afrique et des Antilles. Elle est basée sur les principes humanistes à la française (liberté, égalité, fraternité…) et, par conséquent, sur un étrange présupposé qui considérerait que ces valeurs seraient consubstantielles à l’usage du français ou qu’user de cette langue porterait intrinsèquement un potentiel de développement et de libération… Or, force est de constater que ce sont plutôt les pays émergents «non francophones» (Inde, Chine, Brésil, Mexique…) qui offrent aujourd’hui le taux de croissance le plus spectaculaire, sachant, il est vrai, que ces nations se sont engagées sans beaucoup de réserve ni de pudeur dans le champ de la compétition économique mondialisée.

C’est là une deuxième interrogation: les valeurs universelles prônées par l’article 1 de la Charte de la Francophonie adoptée en 2005 (solidarité, coopération, soutien à l’Etat de droit, dialogue des cultures et des civilisations, promotion de la formation…) se heurtent à celles d’un «monde qui gagne» – même si sa victoire n’est que provisoire –, qui ne met pas partout formellement en pratique ces valeurs, loin s’en faut. En Francophonie africaine et sur le plan de l’éducation notamment, bon nombre des ex-colonies peinent à émerger. Selon l’Internationale de l’Education, certains pays seraient même en recul.

Proche de la pensée sartrienne, Senghor estimait sans doute que l’essentiel n’est pas ce qu’on a fait de vous, mais ce que vous faites de ce qu’on a fait de vous.

Dans ce sens, en dépit de ces interrogations, on comprend que la Francophonie puisse néanmoins être considérée comme une potentielle force de libération et de promotion d’une civilisation de l’Universel, quand bien même elle sert aussi – d’abord? – la politique extérieure de la France. Le 6 juillet dernier, évoquant l’avenir à donner à l’action de la Francophonie, l’ex-président sénégalais Abou Diouf, son actuel secrétaire, s’exprimait ainsi: «Les immenses efforts que nous devons encore déployer pour éradiquer partout l’extrême pauvreté, les pandémies, l’illettrisme, la fracture numérique, les crises et les conflits, pour surmonter les effets de la crise alimentaire, hydrique, environnementale, énergétique, mais aussi le fardeau de la dette, ne constituent donc pas un défi pour les seuls Africains, ils constituent un défi pour tous, même, et surtout, en période de crise économique et financière planétaire.»

 

Effet déclamatoire? Dernier soubresaut d’une possible résistance ou voeu pieux dans un Monde où l’anglophonie, loin de toute organisation formelle, domine culturellement? Sacré défi, en effet!

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