Crise sanitaire et redoublements sous la loupe

Le 7 mars, la Confédération et les cantons ont présenté le quatrième rapport sur l’éducation en Suisse. En tant qu’élément central du monitorage national de l’éducation, le rapport fournit des informations qui se basent sur un traitement systématique, scientifique et à long terme, et sert de base à l’élaboration des objectifs communs de la Confédération et des cantons en matière de politique de la formation. Le rapport actuel examine les objectifs formulés en 2019 et montre également quelles sont les lacunes en matière de données et de recherche. Pour le groupe d’auteurs et d’autrices du Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation (CSRE), l’élaboration du rapport sur l’éducation implique la recherche et l’analyse de statistiques sur l’ensemble du système éducatif ainsi que de données sur des enquêtes telles que COFO, PISA ou sur les diplômé·es de toutes les hautes écoles. Dans une étape suivante, il s’agit d’éclairer les données dans le contexte de la recherche nationale et internationale ainsi que dans le cadre de changements structurels ou institutionnels documentés dans l’éducation.

Fermetures d'écoles et résultats scolaires

La crise sanitaire liée au covid-19 a causé temporairement de nombreux changements inattendus, qui ont également touché le système éducatif. Le rapport sur l’éducation en Suisse 2023 contient – si les données disponibles le permettent – des informations importantes sur les effets de cette crise sur le système éducatif. Les questions traitées concernent par exemple les effets sur les performances scolaires, sur les transitions dans le système éducatif, sur la santé psychique, sur la numérisation ou sur les opportunités de travail. Le traitement des connaissances sur la crise sanitaire montre en particulier que des observations systématiques à long terme avec des informations de fond sont nécessaires pour pouvoir classer correctement les effets d’évènements extraordinaires.

Dans les cantons qui effectuent régulièrement des tests d’évaluation, une condition de base importante pour l’étude des effets de la fermeture des écoles sur les performances scolaires aurait en principe été remplie. Cependant, des modifications des tests d’évaluation ont empêché plusieurs cantons de comparer les données avant et après la pandémie. En d’autres termes, bien que plusieurs cantons effectuent un suivi à long terme des performances scolaires, les données ne répondent pas aux critères qui seraient importants pour analyser l’impact des fermetures d’écoles sur les performances scolaires. Il n’a donc pas été possible pour de nombreux cantons de tirer des conclusions.

Pour les cantons de la Suisse du Nord-Ouest, la partie francophone du canton de Fribourg, le canton de Vaud et le canton de Genève, des observations à long terme des performances scolaires étaient disponibles et ont permis de réaliser des études. Dans aucun des cantons, il ne pouvait être trouvé d’indice d’un effet négatif des fermetures d’écoles dues à la  crise sanitaire sur les résultats scolaires.

La comparaison entre les résultats de 2019 et de 2021 pour Fribourg ( en français ) fait certes apparaitre un effet négatif résultant des fermetures d’écoles. La prise en compte des résultats de 2018 montre toutefois que la baisse de la performance scolaire par rapport à 2019 ne peut pas être interprétée comme une preuve de l’influence négative de la pandémie dans ce contexte ( Figure 1 ). En effet, cette régression tient au fait que la performance de 2021 était comparable à celle de 2018. Pour ce thème également, le rapport sur l’éducation intègre des recherches nationales et internationales sur ce thème, dont les résultats sont expliqués dans le rapport.

Au niveau international, les résultats concernant les fermetures d’écoles sont hétérogènes et se basent sur des données plus ou moins fiables. Une récente étude comparative internationale n’a par exemple pas pris en compte la durée de fermeture des écoles dans les différents pays, ce qui ne permet pas de comparer les résultats spécifiques à chaque pays.

Parcours de formation à l’école obligatoire

Depuis le rapport sur l’éducation 2018, il est possible de recourir à une statistique de l’éducation modernisée, ce qui représente un élargissement significatif pour le monitorage de l’éducation. Ces nouvelles données permettent de retracer pour la première fois dans le rapport sur l’éducation 2023 les parcours de formation des élèves de l’ensemble de la scolarité obligatoire. 91 % des élèves présentent un parcours linéaire à la fin du degré primaire, environ 7 % ont redoublé et environ 2 % fréquentent une classe spéciale ou une école spécialisée en 8e année. Les modalités de redoublement varient d’un canton à l’autre ; les taux varient donc entre 4 % et 12 % dans les cantons
( Figure 2 ). Les données longitudinales montrent, pour l’ensemble de la scolarité obligatoire, que les redoublements concernent plus souvent les enfants de Suisse romande, les enfants de nationalité étrangère ou d’origine sociale modeste.

L’effet des redoublements fait partie des thèmes insuffisamment étudiés.

Au vu des couts énormes – les couts publics moyens de l’éducation augmentent chaque année de 300 millions de francs rien qu’en raison des redoublements –, il serait pourtant indiqué de mieux étudier les redoublements. Dans le cas individuel, le redoublement est rentable s’il permet d’obtenir une qualification plus élevée et si son utilité est supérieure aux couts de l’année de formation supplémentaire.

Il faudrait en outre savoir quelles alternatives auraient permis d’éviter un redoublement et si les couts d’un tel évitement auraient été inférieurs à ceux dépensés pour les redoublements.

En supposant que l’efficacité et l’efficience d’un redoublement ne varient pas beaucoup d’un canton à l’autre, les différences cantonales indiquent que certains cantons font redoubler trop et d’autres pas assez. •

Chantal Oggenfuss, CSRE

Les indications sur les données utilisées et les références à la littérature de recherche sont mentionnées dans le rapport sur l’éducation.