Secondaire II - 9/2022

Secondaire II

Enseignement bilingue : où en est la Suisse ?

 

À côté de l’enseignement traditionnel des langues étrangères dans le domaine scolaire, la Suisse a vécu une évolution intéressante durant la fin du XXe siècle, sous forme de divers types d’enseignement bilingue. Si les réalisations concrètes peuvent varier d’un contexte à l’autre, elles ont en commun le fait qu’une partie de l’enseignement des disciplines non linguistiques est enseignée dans une autre langue que la langue de scolarisation habituelle.

 

Daniel Elmiger, Verena Tunger et Aline Siegenthaler, Université de Genève

 

 

 

Qu’en est-il de l’enseignement bilingue en Suisse ? À cause du fédéralisme suisse, il n’est pas évident d’obtenir une vue d’ensemble sur tout le pays et tous les degrés scolaires, du primaire jusqu’aux écoles du secondaire II. Pour combler cette lacune, un Inventaire suisse de l’enseignement bilingue a été dressé dans le cadre d’un projet de recherche.

L’Inventaire de l’enseignement bilingue est le produit d’une étude menée en 2021 dans toute la Suisse. Le recensement des filières ainsi que l’enquête auprès des responsables des écoles au sujet des langues utilisées pour l’enseignement, de la durée et de l’intensité du contact avec la langue cible, des conditions de participation et du nombre d’élèves, a permis de documenter la diversité de l’enseignement bilingue en Suisse.

 

Répartition inégale selon les degrés scolaires

 

Il existe à présent environ 370 filières d’enseignement bilingue au niveau de l’école obligatoire et du secondaire II.
Dans l’inventaire sont répertoriées les filières où, régulièrement, au moins une leçon ou une discipline scolaire par semaine en moyenne est dispensée, entièrement ou partiellement, dans une autre langue que la langue de scolarisation. Pour le moment, l’enseignement bilingue est ancré de façon marquée à quelques degrés scolaires seulement en Suisse. À l’école obligatoire, l’enseignement bilingue constitue encore un phénomène de niche – contrairement au degré secondaire II, où il est déjà bien ancré. Alors qu’à peine 1 % des élèves du primaire en Suisse suivent un enseignement bilingue, il en va d’environ 15 % dans les collèges/lycées/gymnases ( contre 10 % en 2006/2007 ). Dans les autres formations du degré secondaire II ( écoles professionnelles, de maturité professionnelle et de culture générale ), le nombre d’élèves est encore peu élevé, même s’il s’agit de plus de 5000 dans la formation professionnelle ( 2,3 % des élèves de ce niveau ).

Au degré primaire, 45 filières bilingues ont été prises en compte. Celles-ci se répartissent essentiellement entre les cantons bi- ou trilingues de Berne, Fribourg, du Valais et des Grisons, mais on en trouve aussi dans des cantons monolingues romands comme le Jura et Neuchâtel. Toutefois, les filières de Suisse romande relèvent presque exclusivement d’un seul projet ( le projet neuchâtelois PRIMA ). La plupart des filières de ce degré ont été créées récemment, entre 2015 et 2021, à l’exception des écoles bilingues du canton des Grisons, qui existent toutes depuis au moins quinze ans, et des classes bilingues du canton du Valais. Au degré secondaire I également, la majorité des filières bilingues recensées se trouvent dans les cantons plurilingues ( 19 sur un total de 28 filières ).

 

Langues d’immersion

 

Alors qu’au degré primaire, la langue cible est toujours une langue nationale, au degré secondaire I, il existe quelques filières avec l’anglais. Pour le moment, celles-ci se situent toutes dans des cantons germanophones. Dans l’ensemble, la combinaison de langues la plus fréquente au secondaire I reste le français et l’allemand ou l’allemand et le français. Cela s’explique par le fait que la plupart des filières à ce degré scolaire se trouvent dans des cantons bilingues. Le projet neuchâtelois PRIMA, ainsi que quelques autres filières en Suisse alémanique ont également opté pour une langue nationale.

C’est surtout à partir du degré secondaire II que le nombre de filières avec l’anglais augmente, et ce dans tout le pays. Certes, au niveau gymnasial, environ la moitié des filières de formation proposent toujours une langue nationale comme langue d’immersion, mais ces offres sont nettement moins fréquentées que les filières avec l’anglais. Dans la formation professionnelle, les filières avec l’anglais comme langue d’immersion dominent largement en Suisse alémanique, alors que dans les cantons bilingues de Berne, Fribourg et du Valais, les filières avec les langues nationales demeurent majoritaires.

 

Grande diversité des modèles et des modalités

 

Au degré primaire, la diversité des modèles d’enseignement bilingue est par ailleurs particulièrement marquée. Cela se reflète entre autres dans l’éventail des différentes intensités avec la langue cible. Les filières inventoriées se répartissent entre celles avec un contact minimal avec la langue cible ( < 15 % de l’enseignement total), un contact moyen ( 15-33 % ) et un contact intensif ( 33-50 % par rapport à l’ensemble de l’enseignement ). Étant donné que l’organisation d’une filière bilingue requiert de nombreux ajustements, celles qui comportent une intensité plus élevée font généralement partie d’un projet – par exemple PRIMA dans le canton de Neuchâtel, la Filière Bilingue ( FiBi ) à Biel-Bienne et les Classes bilingues ( Clabi ) à Berne – ou d’une école entièrement bilingue ( par ex. dans le canton des Grisons ). Toutefois, les modèles d’intensité plus faible ( par ex. des séquences d’enseignement en langue cible ) contribuent également à un meilleur échange entre les différents groupes linguistiques et sont donc à saluer.

Quelques tendances générales se dessinent pour la scolarité obligatoire : d’une part, dans les cantons monolingues, les filières bilingues sont encore rares au niveau de l’école primaire et du secondaire I. Le canton de Neuchâtel fait exception, avec une filière qui compte désormais plus de mille élèves. Cet exemple pourrait tout à fait être suivi par d’autres cantons.

En vue d’une coordination accrue dans l’ensemble du pays et dans l’esprit d’une mise en réseau régionale et nationale, il serait souhaitable qu’à l’avenir, les filières présentent des points de repère et des conditions-cadres plus comparables : celles-ci concernent notamment l’étendue du contact avec la langue cible, mais aussi d’autres caractéristiques, par exemple celle de savoir si l’enseignement des matières doit effectivement être dispensé « en deux langues » – ou plutôt de manière monolingue ( immersive ) dans la langue cible, comme c’est le cas dans la plupart des filières gymnasiales.

 

Perspectives pour la scolarité obligatoire

 

Les langues étrangères peuvent s’apprendre d’une autre manière que par des cours de langue traditionnels : les filières bilingues le montrent de façon très claire. S’il s’agit de continuer à développer l’offre d’enseignement bilingue, il se pose plusieurs questions, notamment celle du choix de la langue cible. Dans les régions bilingues, ce choix porte souvent sur une langue du voisinage régional ( voire de l’environnement immédiat ). Quant aux écoles des cantons monolingues, elles sont assez libres dans le choix des langues d’immersion, même si elles doivent naturellement tenir compte de divers facteurs tels que l’attrait et l’utilité attribués à une langue ou la disponibilité d’enseignant·es capables de l’utiliser comme langue d’enseignement. À moyen terme, la focalisation sur l’anglais, qui se manifeste clairement à partir du secondaire II, peut entrainer une certaine anglicisation du système éducatif suisse, par exemple lorsque les élèves de filières d’immersion actuelles ( dans de nombreux cas, celles et ceux qui montrent plus de courage et sont plus performant·es en comparaison avec les classes traditionnelles ) deviennent de futures formatrices et formateurs. Parallèlement, les langues nationales semblent perdre de l’importance au degré secondaire II, ce qui pourrait également entrainer un effet négatif à terme et aggraver la pénurie actuelle d’enseignants·es de langues nationales. Dans cette optique, les projets impliquant les langues nationales, tels que ceux menés dans les cantons bilingues, mais aussi dans le canton monolingue de Neuchâtel, sont essentiels pour l’avenir de l’enseignement bilingue dans les écoles suisses.

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