SPFF - 05/2024

SPFF

Être à sa juste place

 

Le 23 avril dernier, l'aula de la HEP Fribourg était bien remplie, à l'écoute de Jean-Luc Tournier qui a su capter l'attention de son public et enrichir ce dernier de ses expériences.

 

 

Cette année, et ce pour la première fois, la SPFF a décidé de mettre sur pied un évènement à l’intention des enseignant·es, en sortant un peu de son rôle syndical. Nous avons donc proposé une conférence sur le métier d’enseignant·e, en axant sur le rôle de ce dernier. L’idée était de toucher le cœur des auditeur·trices en leur parlant de ce qu’ils-elles vivent au quotidien.

Qui de mieux que Jean-Luc Tournier pour accomplir cette mission ?

Jean-Luc est psychothérapeute, et c’est ainsi qu’il se vit. C’est cette véritable identité professionnelle qui fait de lui quelqu’un de dynamique qui va droit au cœur, un personnage atypique, créatif et bienveillant, tel qu’il se décrit lui-même. Il assume de nombreuses fonctions et quand il anime des conférences, il se voit comme un thérapeute qui communique. Les fonctions diffèrent, mais l’homme reste le même, thérapeute dans l’âme.

Et c’est bien ce que le public a pu découvrir de lui lors de cette conférence passionnante ! Cet orateur absolument exceptionnel a su mélanger humour, bienveillance, tact et professionnalisme tout en parlant avec son cœur et avec sérieux. Dès les premières minutes, la salle au complet était pendue à ses lèvres et a bu ses paroles.

 

Les quatres cercles

 

Selon lui, quatre cercles font le rôle de l’enseignant·e : Le Soi à soi, le Soi aux autres, le Soi aux élèves et le Soi au leader. Je choisis ici de ne vous faire un retour que sur le premier de ces cercles.

Dans tout métier, mais particulièrement dans celui d’enseignant·e, il est capital de trouver de la joie, du plaisir, du sens à ce que l’on fait … Parfois on va travailler parce qu’il le faut, sans aucune envie, et parfois on y va le cœur léger, prêt·e à embrasser le monde de la pédagogie tellement on se sent à sa juste place. La juste place est ce qui va nous occuper tout au long de ce propos.

Est-ce que je vis, est-ce que je travaille ou est-ce que j’existe ? Vivre au travail, c’est assurer ma sécurité et mes besoins fondamentaux ; exister au travail, c’est donner un sens.

Et on a besoin d’effectuer un travail qui ait du sens, qui ait de l’intérêt, qui ait de l’utilité, qui serve à quelqu’un, à quelque chose, c’est ce qu’on appelle la dynamique vocationnelle. Avoir l’impression que ce que je fais me ressemble, que je suis en congruence, en cohérence entre ce que je vis, qui je suis et ce que je mets en valeur dans mon métier.

Il peut donc y avoir une confusion qui est normale entre ma vie et mon métier, qui sont en fait deux éléments indissociables, intimement liés.

 

« Qu'est-ce que je fais là ? »

 

Certaines personnes viennent au monde avec un destin, une mission, une vie à mener et doivent donner écho à ce qui bruisse à l’intérieur d’elles. Être là où l’on est censé·e être. Ce n’est pas pareil pour tout le monde, bien évidemment, mais est-ce que je me sens à une juste place, est-ce que là où je me trouve, je suis à ma juste place ? Si c’est le cas, BINGO ! Et si ce n’est pas le cas, si je suis là, mais en me demandant ce que j’y fais, je m’expose à cinq risques. Cela ne veut pas dire qu’il faut tout remettre en question ni se juger, mais ces risques ne sont pas neutres.

La première chose que je peux rencontrer si je suis décalé·e avec moi-même et que je ne suis pas à ma juste place dans mon travail, c’est un phénomène de somatisation. Comme si mon corps me disait « Qu’est-ce que je fais là ? ». Et comme je ne le conscientise pas, c’est mon corps qui me le dit et le plus souvent, cela se passe au niveau viscéral. Je vais être remué·e profondément.

Deuxième difficulté que je peux rencontrer si je ne suis pas à ma juste place, c’est une fatigue générale. Et même quand je me repose, je me réveille fatigué·e, je n’arrive pas à récupérer. Ce n’est pas un facteur de dépression, juste une forme de « marritude » qui s’inscrit dans une forme de fatigue chronique.

Troisième phénomène que l’on va observer, c’est l’accidentisation. Dans ce cas-là, je vais m’accidenter, jamais volontairement, jamais consciemment, jamais en le voulant, personne ne le veut, mais ce qui va m’arriver, m’oblige à m’arrêter.

Quatrième voie d’échappement possible, ce sont les troubles de l’humeur. Je vais être déprimé·e, désœuvré·e. Je suis là, mais il n’y a personne. Je n’ai plus le gout à y retourner, j’angoisse. Et dans le même trouble de l’humeur, il y a la colère. Généralement, je suis frustré·e, et comme je n’arrive pas à valider ma frustration, ma colère va se tourner contre l’extérieur. Dans le métier d’enseignant·e, ce sera contre les enfants, les parents, les collègues, le directeur, la politique … Et le temps que je passe à râler, cette énergie déployée, ce gâchis d’énergie est une vraie perte de temps.

Et enfin, dernière manière de faire quand on ne se sent pas à sa juste place, beaucoup moins visible, c’est le retrait. Je viens au travail, je fais mon job, je suis irréprochable et je pars. Mais je ne laisse rien de moi, pas d’investissement ni d’engagement. Je passe comme un fantôme, je suis en retrait.

Dans tous ces éléments, il y a un prix à payer. D’où l’importance de regarder si là où je suis, je suis à ma juste place. Je ne peux pas transformer un lieu en lieu de vie pour d’autres si moi-même je n’y suis pas bien. La seule chose qui garantit que je vais animer un espace, c’est si moi, je vis.

 

Cultiver la confiance en soi

 

Être à sa juste place, se sentir heureux·se, trouver du plaisir, du gout à faire ce que l’on fait chaque jour qui passe, nous anime davantage. Et donc, même en vieillissant, en s’approchant de la retraite, on augmente notre passion. Vieillir ça vaut le coup ! On n’a plus peur, peu importe ce que l’on pense de nous, on goute mieux aux choses, on peut mieux aller au contact et le sens qu’on met dans notre vie augmente. Mais pour pouvoir accéder à cela, à un moment, il est important de se dire, c’est assez, j’en sais assez, qui je suis c’est assez, je me suis assez développé·e. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut plus se former, cela signifie juste que parfois, c’est bien de donner une bonne base. Ça met de la confiance en soi, ça donne une bonne estime de soi. Parce que sinon, si je n’ai pas ce sentiment d’être assez, d’en faire assez, d’en savoir assez, cela devient exponentiel et jamais on n’a le sentiment de réussite, jamais on n’a le sentiment qui nous permet d’être tranquille avec ce que l’on fait.

Quand bien même vous vous sentirez heureux·se comme enseignant·e, ne croyez pas, n’imaginez pas que ça rend l’exercice pédagogique facile ! Plus je suis à ma juste place, plus ce qui m’est demandé est difficile. Autrement dit, plus je suis à ma juste place comme enseignant·e, plus je vais avoir des groupes classes, des élèves, des profils d’élèves difficiles. Ça ne donne pas la paix, ça n’apporte pas la tranquillité, ça ne garantit en rien la placidité, c’est tout le contraire. C’est comme si plus un·e enseignant·e est cohérent·e et congruent·e, plus la tâche est difficile, ce qui ne va toucher en rien à son sentiment personnel. Mais si on pense associer tranquillité avec bonheur, il faut savoir que cela ne va pas ensemble. Voici donc le premier cercle que Jean-Luc Tournier appelle le Soi à soi ! 

 

Claire Spring, coprésidente de la SPFF

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