VD: Éduquer dans et par la nature ... vaste programme ! - 04/2024

VD: Éduquer dans et par la nature ... vaste programme !

Ils et elles sont plusieurs désormais à y croire fermement. L’école dehors, ça marche, dit-on. De la sieste nordique à l’école en forêt, un vaste mouvement se répand dans nos écoles. À tel point qu’il m’est difficile de rendre compte de tous les témoignages reçus. Si les pratiques diffèrent, les pédagogues mettent toutes et tous en avant la nécessité d’offrir aux enfants des bains de nature. Quelle ironie ... il s’agit de se débrancher pour se reconnecter à son environnement. Est-ce en raison des bouleversements climatiques, d’un besoin ressenti par la population, de l’émergence de préoccupations liées au développement durable ? Plusieurs communes soutiennent également les projets extra-muros. On peut d’ailleurs s’interroger à ce propos ... Ne serait-ce pas du rôle du canton ?

La communauté scientifique, de son côté, s’accorde sur le bienfait des expériences vécues à travers des activités se déroulant dans les milieux dits « naturels », notamment en ce qui concerne la santé (physique et mentale) et les compétences sociales des enfants d’une part, sur les connaissances scientifiques d’autre part.

Toutefois, il est encore difficile de savoir précisément de quoi on parle, lorsque l’on évoque l’école « du dehors ». Dans leurs travaux, Christine Partoune et Lucie Sauvé , répertorient pas moins de onze représentations différentes, allant de « faire la classe en plein air », à « l’éducation à l’écocitoyenneté », en passant par « la nature comme lieu d’habitat » ou encore par des approches spiritualistes ou thérapeutiques. Par ailleurs, après Bernard Charlot (même référence que précédemment), il serait légitime de questionner « le sens d’une éducation dans et par la nature pour une société dans laquelle une grande majorité de la population vit en zone urbaine ». Bref, pas simple de s’y retrouver et de faire des choix appropriés. Quelques actrices du terrain ont bien voulu partager leurs expériences.

 

Le canapé forestier pour apprendre autrement

Au point de départ, une classe à Crissier. Celle de K. Monney, désormais à la retraite. Le projet est ensuite étendu à sept classes de 1 et 2P par S. Corthay et A. Reesink. Enfin, Chantal Stegmuller Darriulat  est contactée afin d’accompagner les quelque vingt classes du cycle 1. L’objectif est que chaque élève puisse participer à l’école en forêt sur quatre ans pour approfondir ses connaissances sur son environnement et dans le respect de celui-ci.   

Alors, un projet de plus grande envergure se dessine. Il est financé par la commune qui subventionne les salaires des intervenant·es externes, le petit matériel, le canapé forestier et le bus pour s’y rendre. Chantal accompagne chaque classe, trois à quatre fois par an. Sur place, les élèves sont amené·es à observer et à ressentir. Au fil des saisons, ils·elles différencient les essences d’arbres par la forme des feuilles ou les textures des troncs. Ils·elles reconnaissent les animaux de la forêt par des indices, la morphologie du corps et leur son. Des postes de jeux libres sont proposés et, dans ce cursus de quatre ans, les élèves réinventent leur monde. L’évolution du jeu est remarquable.

 

Le succès ?

Bien que les questionnaires de satisfaction soient très positifs, ils ne disent pas tout ... La qualité se mesure aussi autrement. Ainsi, « les enfants emmènent leurs parents au canapé forestier », raconte Chantal lorsque je lui demande si elle peut constater une évolution au niveau des apprentissages des élèves. « Ils n’iraient probablement pas en forêt autrement. » Sortir des classes, « c’est développer une autre conscience du vivant, de son environnement, du bien-être, du plaisir. Les enfants expérimentent un autre vécu et apprennent à vivre ensemble, à partager, à se poser des questions et à trouver des solutions ».

 

L’école en forêt ? De quoi parle-t-on au juste ?

« Je me situe plutôt dans l’Outdoor Education, là où il s’agit de faire immersion dans le lieu. Éduquer dans la nature ou par la nature, apprendre par l’expérience est important. À chaque sortie, je propose aussi un atelier guidé. Les élèves apprennent à mesurer, scier, couper. Nous cuisinons sur le feu. Les plus grands vont faire des plantations, rencontrer l’équipe forestière, construire un coffre et rénover le canapé forestier. Ils sont en immersion totale dans ce cadre de vie. »

 

Qu’en disent les enseignant·es ?

À Crissier, l’école en forêt est un projet qui touche toutes les classes du cycle 1. Morgane Bertinotti est l’enseignante responsable de ce dernier pour les degrés 1 - 2 P. Une autre collègue est en charge des 3 - 4 P. « Faire l’école dehors, à proximité de l’école, ce n’est pas la même chose que l’école en forêt. C’est un projet unique », me dit-elle. « C’est une chance pour les élèves, comme pour les enseignant·es. Nous profitons des compétences et connaissances de Chantal. » Pour les enfants, elle vient avec du matériel, des bois de cerf, une mue de serpent.

En tant qu’enseignant·es, « on peut observer les élèves sans prendre en charge l’enseignement. Ça nous permet de voir les enfants dans un autre contexte ».

Précisons qu’il n’est pas question de coaching. Chantal propose des animations pédagogiques et chaque titulaire est responsable et autonome pour intégrer ces sorties dans le programme. Il est facile de faire des liens avec le PER. Tous·tes les élèves bénéficient d’au moins quatre sorties en forêt. Certaines classes participent à d’autres manifestations, notamment organisées par le WWF, ce n’est toutefois pas une obligation. Même si certaines personnes sont elles-mêmes moins à l’aise dehors et en restent aux quatre sorties proposées, « tout le monde voit le bénéfice auprès des enfants ».

En termes de plus-value, Morgane Bertinotti évoque une reconnexion avec la nature, l’idée de faire sens de l’écologie. C’est important « de donner envie d’aller dans la nature, car pour la préserver il faut la connaitre et apprendre à l’aimer ».

Qu’en est-il d’une éventuelle prolongation aux 5 - 6 P ? « Quand on est 21 classes à sortir, c’est lourd au niveau du lieu. » Des discussions doivent avoir lieu avec les gardes forestiers pour une éventuelle délocalisation.

 

Sur la commune de Crissier : un soutien non négligeable

Caroline Albiker Pochon est l’une des cinq municipales de la commune de Crissier. Élue verte libérale, elle effectue sa première législature en charge de la jeunesse, des écoles, de la cohésion sociale et de la bibliothèque. Du point de vue de la Commune, il s’agit d’offrir une égalité de chance à tous·tes les élèves d’aller en nature et aux enseignant·es de bénéficier des compétences d’une professionnelle. « La commune de Crissier est généreuse », me dit mon interlocutrice qui poursuit : « Dans ce monde de plus en plus complexe, où le numérique et l’hyper connectivité sont omniprésents, il est important que les jeunes enfants connaissent leur forêt pour mieux la protéger. La commune n’a pas de rôle pédagogique auprès de l’école, mais elle souhaite que les enfants puissent apprendre dans différents contextes pour ancrer leur savoir. » Par ailleurs, la volonté communale est de permettre des projets sur un long terme, qui apportent clairement une plus-value. Dans une volonté de soutenir des projets à forte valeur ajoutée sur le long terme. C’est pourquoi le budget, bien que validé annuellement, n’est, à priori, pas remis en question chaque année. Les limites ? Au niveau de la protection de la nature, elles ne sont pas spécifiquement communales, chacun·e doit apprendre à prendre soin de son environnement, « comme n’importe quel humain ». Le canton réfléchit à « l’outdoor scolaire », sans pour l’instant que les moyens ne soient réellement mis à disposition. Pour un prolongement aux 5 - 6 P à Crissier, il s’agit donc de patienter (sous-entendu que le canton mette clairement la main au portemonnaie). Affaire à suivre donc ! 

 

Sandrine Breithaupt

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