VD: Les cahiers au feu, GPT au milieu ! - 6/2023

VD: Les cahiers au feu, GPT au milieu !

« Méfiez-vous des gens qui vous servent de l’intelligence artificielle à toutes les sauces, bien souvent ils souffrent d’une intelligence superficielle » ( Cem Senoz, LinkedIn, mai 23 ). Saviez-vous qu’il existe une forte probabilité pour que lorsque vous écrivez à un service bancaire pour évaluer la demande d’un prêt par exemple, lorsque vous commandez sur le net, ou lorsque vous contactez un service en ligne d’évaluation de la santé, ce soit une IA ( ou Intelligence Artificielle ) qui vous réponde. « Il s’agit d’un changement au moins aussi important qu’internet », dit Thomas Wolf, directeur de Hugging face.

Indubitablement, les opinions divergent entre les partisan·es qui explorent les différentes possibilités de l’IA et celles et ceux qui rejettent totalement ces outils, sous prétexte qu’ils sont dangereux. De quoi parle-t-on au juste ? Diverses personnes s’expriment.

« J’ai essayé Chat GPT en classe »

C’est ainsi que Micaël Chevalley, enseignant touche à tout avec dextérité il faut le dire, a titré l’article de son blog daté du 6 avril 2023 1. Il montre ainsi comment tant les élèves que lui-même apprennent à utiliser les outils à disposition. « On apprend tous ensemble », dit-il. « Par rapport à moi, ils auront quarante ans d’avance ». En l’état, Chat GPT peut être très utile pour créer des items d’évaluation, par exemple créer des phrases avec des verbes du premier groupe. Comme il subsiste tout de même un certain nombre d’erreurs, il vaut mieux créer des demandes vérifiables. Ce qui est intéressant, c’est que ces données sont libres de droits.

Avec sa classe de 5e, Micaël a d’abord répondu à une demande faite par les élèves lors d’un conseil de classe, qui souhaitaient en savoir plus sur la notion de développement durable. Actuellement, il enseigne l’usage des #prompt ( comprenez l’ordre envoyé à une AI pour que cette dernière réponde à la demande ). « Pour donner un ordre, il est nécessaire d’introduire un verbe d’action. Il ne suffit pas de décrire un produit fini. » L’enseignant a également acheté quelques crédits de création d’images afin que les élèves créent des illustrations pour des poèmes qu’ils et elles ont travaillés. Plusieurs apprentissages sont à réaliser. Ces éléments font d’ailleurs partie des objectifs du PER, dans le cadre d’une éducation au numérique. 

Aux collègues, il conseille d’essayer. Les élèves en parlent en famille. Tout le monde en discute. Il s’agit désormais d’apprendre à décoder les images. « Le Pentagone n’a pas explosé », dit-il en rappelant cette image quasi devenue virale avant que le Pentagone lui-même confirme le fake. Il s’agit par ailleurs d’avoir quelques garde-fous : jamais de données personnelles par exemple.

 


 

Former les futur·es enseignant·es à l’utilisation critique des IA

Pour la formation didactique en biologie et physique du secondaire à la HEP Vaud, nous avons conçu un cours autour de l’intelligence artificielle (ou IA). Nous avons annoncé que le cours porterait sur un dispositif didactique et avons demandé aux étudiant·es de visionner une vidéo qui présentait ce dernier, sans signaler qu’elle était entièrement réalisée par l’IA.

La création de la vidéo par l’IA s’est déroulée en plusieurs étapes :

• L’IA1 2 a créé le contenu, en fonction des éléments clés que nous lui avons donnés, puis nous avons précisé la demande pour permettre à l’IA de cerner le sujet. Nous avons ensuite demandé de résumer le tout en quatre diapositives.

• L’IA2 a créé un support et nous avons transféré le titre et les contenus précédemment créés par l’IA1. Ceci nous a permis d’obtenir une présentation « power point ». L’IA3 a créé la vidéo. Pour cela, nous avons choisi un avatar, l’avons positionné sur l’écran et ce dernier a lu le texte du pptx.

Au cours de la séance qui a suivi, nous avons abordé plusieurs points avec les étudiant·es. Nous avons d’abord discuté de la manière dont l’IA peut apporter une valeur ajoutée aux futur·es enseignant·es et comment elle doit ou peut être utilisée. Nous avons souligné que l’IA doit rester un outil dédié seulement à une partie des tâches et qu’elle ne peut être utilisée que si l’utilisateur·trice a les connaissances nécessaires pour trier les informations. Nous avons également parlé des limites de l’IA et de la nécessité de développer l’esprit critique des élèves à son égard, afin qu’ils prennent conscience que leur savoir est à mobiliser en utilisant les IA.

Enfin, nous avons discuté de l’importance d’outiller les citoyen·nes responsables de demain. Nous avons souligné le rôle fondamental des enseignant·es dans la formation des élèves pour qui l’acquisition de connaissances solides est le seul moyen pour pouvoir critiquer et interroger les IA.

 

Yves Debernardi (professeur associé HEP Vaud, didactique de physique, S2)

Sveva Grigioni Baur (professeure associée HEP Vaud, didactique de biologie, S2)

 


 

 

Le cyberespace : vers une ère du techno-féodalisme ?

Professeur associé à la faculté des sciences de la société, Cédric Durand file une métaphore intéressante en dressant une comparaison socio-historique entre les propriétés d’un modèle économique féodal et celles d’un modèle économique du numérique. Pour résumer, l’auteur décrit les GAFAM ( Google, Apple, Facebook, Amazone, Microsoft ), mais aussi RB&B, Uber et autres AI comme les nouveaux seigneurs dominant des territoires dématérialisés. Ils se font la guerre pour contrôler le cyberespace.

L’économie du numérique se caractérise ainsi en trois points :

1. Les données collectées sont uniques et protégées par les droits de propriété intellectuelle. Plus les entreprises en possèdent, plus elles sont puissantes. Par ailleurs, ces données sont inaltérables, cela signifie qu’on peut les utiliser autant de fois que l’on veut, sans perte, sans dommages. Toute nouvelle entreprise arrivant sur le marché ne pourra que difficilement se constituer un capital de données ( déjà en possession d’autres, arrivés précédemment sur le marché ) afin de jouer de la concurrence.

2. Il existe un rapport de dépendance entre les producteurs et les plateformes de services. Pour gagner en productivité, les acteurices utilisent de plus en plus les services proposés et en dépendent ainsi de plus en plus également. Pour le dire autrement, les PME qui souhaitent vendre des produits via le net, s’associent aux plateformes qui permettent de le faire, car elles possèdent l’ensemble des données qui permettent aux PME de profiter du marché. PME qui, en échange, leur versent une rente (des données en retour, par exemple).

3. La relation de domination entre les plateformes et les usagers est permanente et peut devenir une prédation (mécanisme d’allocation par appropriation). Il existe un prix à payer pour acquérir une nouvelle position numérique. La domination repose sur la façon dont les algorithmes sont gouvernés pour anticiper et contrôler les comportements, ce qui conduit à une véritable politique de surveillance.

 


 

SPV

Société Pédagogique Vaudoise

Son Point de Vue

« Difficile d’être contre Chat GPT ..., il est là », indique le président de la SPV, qui dit toutefois s’attendre à certains changements de pratiques, notamment en ce qui concerne des devoirs à domicile. En effet, comment être certain·e que ce soient bien les élèves qui ont réalisé leurs tâches et non une intelligence articifielle ? Cela constituera probablement un grand changement pour les collègues, même si autrefois on pouvait légitimement se demander si ce n’étaient pas les parents qui parfois réalisaient les devoirs à la place des élèves.

Au même titre que Wikipédia, Chat GPT semble constituer une source d’informations pour certain·es enseignant·es. L’outil n’est cependant pas tout à fait sûr et les collègues relèvent déjà un certain nombre d’erreurs. Il est peu probable toutefois qu’il transforme les conceptions de l’enseignement.


 

On peut ainsi comprendre que les règles d’un capitalisme contemporain, du monde matériel ne fonctionnent pas pour l’économie numérique. À l’image du monde féodal, nous sommes, en tant qu’usagèr·es des services proposés par les GAFAM, un peu comme les serfs, contraints de louer au seigneur le four à pain qui nous permet de produire une marchandise dont on remettra une partie à ce même seigneur. Quasiment totalement inféodé·es, nous appartenons au seigneur qui, lui, prélève sa part sur notre travail (sa rente) et peut se servir de nous pour faire la guerre, gagner de nouveaux territoires, bref, comme outil de conquête d’un monde dont nous sommes prisonnièr·es, car il nous est très difficile d’en réchapper. 

 

Sandrine Breithaupt

 

 

1 https://enseigner.org/journal-dun-instit/jai-essaye-chatgpt-en-classe/
2 IA utilisées: IA1: https://chat.openai.com/ – IA2: https://gamma.app/ – IA3: https://www.synthesia.io/
3 Pour plus, vous pouvez lire : Durand, C. (2020). Technoféodalisme. Critique de l’économie numérique. La Découverte. Ou encore : Mille, A. (2021). Cédric Durand, Techno-féodalisme. Critique de l’économie numérique. pp. 658-670 (https://hal.science/hal-03668653). Vous pouvez aussi écouter : https://avisdexperts.ch/videos/view/11828

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