Quelle place pour l’assistant·e à l’intégration au sein de la collaboration école-famille? (2e partie)

L’école fait face à de nombreuses injonctions, notamment celle de tendre vers une école plus inclusive mais aussi de développer la collaboration école-famille. Les enseignant·es sont ainsi amené·es à collaborer avec les parents, mais également avec de nombreux partenaires, les incitant ainsi à redéfinir leur rôle au sein de l’équipe pédagogique. Notre recherche s’est intéressée plus particulièrement aux assistant·es à l’intégration vaudois (AI), qui occupent un rôle grandissant auprès des élèves à besoins éducatifs particuliers (BEP), et à leur place au sein de la collaboration école-famille. (suite)

Notre questionnement général sur la collaboration entre les enseignant·es et les parents met en exergue que la totalité des participant·es la considère comme importante et désire s’y investir. Cette collaboration reste cependant peu développée et s’avère parfois difficile à établir. Ainsi, celle-ci varie selon la personnalité, le contexte, mais aussi selon le rapport à la différence et donc l’attitude adoptée face à l’inclusion. De ce fait, une opposition entre les enseignant·es et les autres participant·es apparait, traduisant des rôles distincts que chaque personne est amenée à redéfinir au sein de l’équipe. Des difficultés de communication avec les parents des classes populaires sont mentionnées explicitement dans le deuxième cas et sont implicitement suggérées dans le premier.

Convergences

Un résultat intéressant démontre une collaboration clairement établie entre les AI et les parents dans les deux cas. Ainsi, les formes de communication révèlent une dissonance entre le cahier des charges et la réalité du terrain, puisque les participant·es évoquent une grande variété de communication ne s’arrêtant pas aux réseaux. Cette collaboration « officieuse » relève ainsi un statut de l’AI au-delà de ce qui est attendu de lui·elle.

Paradoxalement, il ressort également que la collaboration des parents avec les enseignant·es est moindre que leur collaboration avec l’AI et relève ainsi une réalité en contradiction avec le prescrit. Une « délégation » de certains échanges avec les parents est d’ailleurs mise en évidence par les enseignantes, ce qui semble lui permettre d’alléger son travail.

Une volonté de partenariat avec les parents et les autres membres de l’équipe est clairement explicitée par des participant·es qui démontrent leur motivation de s’inscrire pleinement dans la dynamique du concept 360°, mais présage néanmoins un certain décalage entre les individus. Ainsi, une certaine difficulté à établir un réel partenariat entre tous les membres de l’équipe se dessine. Des rôles distincts entre les AI et les enseignantes sont ainsi mis en évidence, mais s’avèrent cependant perçus comme complémentaires puisque celui de l’AI est basé sur des informations informelles, une aide apportée aux parents à l’inverse des enseignant·es qui échangent des informations formelles et pédagogiques. L’AI n’étant pas issu·e du corps enseignant, il est important que son rôle reste complémentaire, ne glissant néanmoins pas vers une division des tâches. Il apparait également que, pour la totalité des participant·es, l’AI doit respecter le cadre défini par son cahier des charges, sauf pour les parents qui souhaitent à l’inverse que l’AI aille « au-delà ». Il semble ainsi que les prescriptions ne correspondent pas aux besoins des parents et que le rôle de l’AI s’avère souvent flou et variable.

En se penchant sur les informations échangées entre les enseignantes et les parents, celles-ci s’avèrent plutôt informelles, basées sur le bien-être, sur ce qui s’est passé au quotidien ainsi que sur des conseils pratiques qui sont appréciés de tous et toutes. Concernant la fréquence et le contexte, des échanges réguliers, quasi hebdomadaires, sont mis en évidence, cela principalement dans le contexte scolaire, mais aussi parfois en dehors, venant à nouveau questionner le cahier des charges. Il semble que la personnalité de l’AI tienne une place essentielle dans une collaboration de qualité avec les parents, que ce soit par son parcours de vie ou sa bienveillance.

Des attentes variées sont évoquées, mais il s’agit de la confiance qui s’avère à nouveau indispensable. Une volonté unanime d’adapter la collaboration à la situation de l’enfant, que ce soit en termes de contenu, de fréquence ou de contexte, est également explicitée.

Divergences

Il apparait que la légitimité de l’AI dans sa collaboration avec les parents est appréhendée différemment selon nos deux cas.

Dans le premier cas, cette légitimité de l’AI dans sa collaboration avec les parents est clairement remise en cause en évoquant un manque de formation et d’autonomie, faisant apparaitre en filigrane une certaine hiérarchie entre l’enseignante et l’AI. Dans le second cas, elle s’avère valorisée par une volonté de formation, annoncée par les AI et le directeur, et de considérer les AI comme des collègues de la part de l’enseignante. Ainsi, l’attitude et le soutien de l’enseignante auront un impact important sur la collaboration. Le rôle tenu par l’AI permet aussi de mettre en évidence une autre opposition : l’AI peut parfois trianguler et ainsi échanger des propos inadéquats avec les parents sans l’aval de l’enseignante et de la direction ou alors, peut se montrer à l’inverse soucieux·se de toujours informer le corps enseignant des renseignements qu’il·elle échange avec les parents.

Discussion et conclusion

En cherchant à comprendre la place de l’AI au sein de la collaboration école-famille, nous mettons ainsi en lumière un désir unanime de s’investir dans une collaboration qui est considérée comme essentielle, ce qui rejoint les propos de Saint-Laurent et al. (1994). Nous constatons aussi une collaboration « officieuse » bien établie entre les parents et les AI, bien qu’elle s’écarte du cadre défini par le cahier des charges, comme l’a montré Belmont (2011). Cette collaboration non prescrite pourrait s’expliquer, d’une part, par la proximité que l’AI entretient avec les parents, jouant un rôle de médiateur·trice grâce à son implication pratique et affective dans la socialisation et l’intégration des jeunes enfants comme le suggèrent Perier et al. (2008) ; d’autre part, le rapport à la différence et l’attitude face à l’inclusion de l’enseignant·e, démontré par Benoit (2016), ou encore un manque de connaissances et d’habiletés dans ce domaine, pourraient s’avérer d’autres pistes de réponses probables. Des résultats qui vont toutefois à l’encontre de ceux de Boulas (2002), qui évoque que les échanges des AI avec les parents sont rares et que ceux-ci ont lieu uniquement lors des réseaux.

Cette collaboration est toutefois plébiscitée par les différents intervenant·es, à condition qu’elle reste dans le cadre prescrit et n’engendre pas de phénomène de triangulation, mettant ainsi en lumière des perceptions variables du rôle attendu de l’AI. Une perspective intéressante serait d’engager une réflexion sur des adaptations du cahier des charges afin d’atténuer le décalage entre le prescrit et la réalité du terrain. En outre, ces résultats engendrent une réflexion sur les moyens de communiquer aux parents tout en respectant le rôle de l’AI et la dynamique collaborative au sein de l’équipe. Pour ce faire, deux solutions seraient envisageables. D’une part, la mise en place d’un carnet de liaison, consultable et rempli par les intervenant·es permettrait d’expliciter les valeurs et les conceptions de chacun·e afin que les un·es et les autres initient des pratiques de communication dont l’approche fera des parents et des intervenant·es des partenaires égalitaires (Dumoulin et al., 2013).

D’autre part, la mise en place de temps de concertations entre les intervenant·es, principalement en début d’année, permettrait de définir un cadre commun concernant la collaboration école-famille, mais aussi de partager et donc de favoriser la compréhension des perceptions de chacun·e. Afin de répondre à la nécessité d’établir un réel partenariat qui semble encore difficile à concrétiser, une transposition d’un projet français, présenté par Tilly (2009), serait intéressante à mettre en place dans le canton de Vaud notamment par le biais des « concepts d’établissements ». L’objectif est l’engagement d’un·e superviseur·euse afin de diriger le projet de l’enfant, le travail de l’AI, mais aussi de soutenir et de conseiller les parents tout en aidant par ailleurs les enseignant·es. Un rôle qu’il faudrait toutefois veiller à déléguer à un·e membre interne de l’établissement, afin de ne pas complexifier davantage la collaboration de l’équipe pédagogique, problématique souvent mise en avant par les divers·es professionnel·les. Un autre levier serait de faire évoluer la formation actuelle des AI afin de leur permettre d’acquérir davantage de connaissances et d’autonomie (Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2008), ce qui engendrait également une légitimité de leur fonction (Ebersold, 2009).

En guise de conclusion, nous relevons toutefois que cette recherche a été réalisée par le biais  de deux études de cas et que, par conséquent, l’échantillon s’avère restreint. Il serait donc intéressant d’approfondir cette question afin de pouvoir étayer et confirmer les résultats obtenus par le biais de recherches futures.

Déborah Cornut, chargée d’enseignement-UER AGIRS à la HEP Vaud