Les défis de la formation professionnelle

Le SAEN, malgré sa taille modeste, a le grand privilège d’être un syndicat « vertical » représentant tous les degrés de la formation obligatoire et post-obligatoire. Quoique nos membres viennent surtout des premiers cycles, nous sommes heureux de compter parmi nous un nombre non négligeable de collègues enseignant dans les lycées et particulièrement dans les écoles professionnelles. Lors de notre dernière Journée Syndicale, c’est donc tout naturellement qu’un atelier de réflexion a été proposé autour des besoins spécifiques de ce secteur d’enseignement.

Bref survol historique (sans prétention)

On peut supposer que dans toutes les cultures anciennes, les premiers apprentissages techniques se sont faits par observation interpersonnelle, dans le cadre familial et tribal. Les jeunes apprenaient de leurs ancien·nes et reproduisaient leurs pratiques, parfois en les améliorant, d’autres fois en les détériorant. Les premières formes structurées d’apprentissage (écoles, maitres, textes)
remontent aux grandes civilisations (Égypte ancienne vers 3000 à 500 ans avant J.-C. ; Mésopotamie vers 3000 à 500 ans av. J.-C. ; Inde ancienne vers 1500 à 500 ans av. J.-C. ; Chine ancienne vers 1046 à 256 ans av. J.-C. ; Grèce antique vers 800 à 300 ans av. J.-C. ; Rome antique vers 500 ans av. J.-C. à 500 ans après J.-C.). Ces civilisations ont jeté les bases des systèmes éducatifs formels : structures scolaires, rôles des enseignant·es et transmission écrite du savoir. C’est aussi dans ces grandes civilisations que sont apparues les premières formes de production industrielle (pour construire les villes, les routes et équiper les armées par exemple), nécessitant de former des travailleurs·euses avec des compétences techniques précises. Puis, au Moyen Âge, sont apparues les confréries professionnelles, avec leurs compagnonnages, encore présents aujourd’hui dans certaines régions de France ou d’Allemagne par exemple. Dès le XIXe siècle, la révolution industrielle a provoqué les premières grandes concentrations ouvrières, dans lesquelles de très nombreuses personnes étaient formées directement dans les entreprises puis, peu à peu, par certaines écoles privées ou religieuses. La Suisse passe ainsi progressivement d’une économie agricole à une économie industrielle (horlogerie, textile, mécanique …). Cette mutation crée une demande croissante de main-d’œuvre qualifiée et l’apprentissage traditionnel (artisanat, compagnonnage) ne suffit plus à répondre aux nouveaux besoins techniques. 

La première école professionnelle en Suisse généralement reconnue est l’école des arts et métiers de Winterthour, fondée en 1825. Et c’est à ce moment-là que la Suisse a perfectionné son fameux « système dual » de la formation professionnelle, avec un lien très fort entre écoles et entreprises. Système que beaucoup de pays nous envient, semble-t-il.

Et dans notre canton…

Le début du XXIe siècle a vu émerger dans notre canton une alliance de toutes les écoles professionnelles sous la bannière du CPNE (Centre de formation professionnelle neuchâtelois, dès 2022). Cette réforme permet un regroupement des domaines professionnels par pôles afin de faire face à l’évolution rapide des ordonnances de formation professionnelle, à l’apparition de nouvelles formations et aux besoins de spécialisation (options). Elle permet également de mettre en commun une structure administrative pour la gestion du personnel par exemple. Elle a permis ainsi d’harmoniser le statut et les salaires des enseignant·es et autres personnels. Ce qui ne s’est pas toujours fait sans souci, puisque les situations antérieures étaient très diverses dans les différents centres professionnels du canton. Malgré tout, en 2025, cette réforme est concrétisée, même si probablement des choses restent encore à faire. À noter que dès le début des travaux de mise en place du CPNE, les syndicats (SSP et SAEN) ont été consultés et ont apporté de nombreuses remarques à la Direction Générale, laquelle a toujours été à l’écoute.

Toutefois, cette période n’a pas été facile, puisqu’elle a coïncidé avec la crise du Covid, impliquant une longue période de travail à distance, des liens sociaux relâchés et des conséquences néfastes sur la santé physique et psychique de nombreuses personnes. Dans le même temps sont arrivées les réformes didactiques, avec une approche par compétences et non plus par branches disciplinaires, ainsi que les révisions des ordonnances professionnelles fédérales. Enfin, le passage au numérique a bousculé les habitudes, avec son cortège de problèmes techniques dus entre autres à la diversité des appareils apportés par les apprenti·es (BYOD : Bring Your Own Device).

Des défis pour l’avenir

Ce faisceau d’événements nous confirme qu’un mouvement important se fait dans la société et dans le monde du travail et des entreprises. Tous ces bouleversements et leur accélération (généralisation de l’IA actuellement) vont forcer tout un domaine à se plier à des changements profonds et en partie imprévisibles. C’est dans ce cadre que s’est amorcé un dialogue entre la faitière nationale de la formation professionnelle BCH/FPS (Formation Professionnelle Suisse) et la Suisse romande. Depuis deux ans, nos contacts ont permis l’arrivée d’un Romand au comité suisse (Frédéric Jaekel, SEJ) et la participation accrue de délégué·es romand·es aux rencontres nationales organisées par BCH/FPS. Le SER a lui aussi entamé une réflexion sur une meilleure représentation des enseignant·es professionnel·les au niveau romand, sur des collaborations accrues entre les diverses organisations qui les réunissent et sur la manière de fédérer les personnes qui sont les plus impliquées.

L’objectif ? Permettre aux acteurs·trices de la formation professionnelle de recevoir des informations sur les projets en cours, de participer aux consultations fédérales sur l’avenir de la formation professionnelle, de partager leur expertise et leurs visions et de devenir des partenaires incontournables de la formation professionnelle de demain. 

Beau défi, à relever avec vous bien sûr !

Pierre-Alain Porret, président du SAEN, (rédigé en équipe)