La période actuelle est passablement chamboulée, avec de mauvaises nouvel les qui nous envahissent directement ou par médias interposés. De profonds et rapides changements bouleversent notre quotidien et transfor ment notre société. Le sentiment d’inquiétude et d’insécurité grandit et l’impression de perte de contrôle nous gagne parfois. Dans ce contexte, à différents niveaux, le reco urs aux « bonnes vieilles méthodes » est tentant. Certains ne se privent d’ailleurs pas d’en faire l’apologie très ouvertement.
Les autorités scolaires elles aussi, soumises à diverses pressions populaires et politiques, ont parfois tendance à s’y laisser prendre. Trois problématiques survenues ce printemps en sont des signes et nous ont interpellé·es.
Alcool au camp de ski
C’est tout d’abord un des cercles scolaires de notre canton qui, inquiet du comportement de quelques adultes lors des camps de skis, a jugé bon de modifier son règlement des activités extra-scolaires en y insérant la phrase : « La consommation de ces produits (alcool, CBD …) durant la journée ainsi qu’à la vue et au contact des élèves est strictement interdite. ». Très bien. Louable intention. Mais résistera-t-elle longtemps à la réalité ? En effet, si cette interdiction devait être appliquée correctement, cela impliquerait de bannir toute vente d’alcool dans les fêtes scolaires, faisant disparaitre ainsi une large part du bénéfice de celles-ci … justement destiné à l’organisation desdits camps de ski. Joli auto-goal ! Il nous parait évident que ce sujet devrait être rediscuté de manière plus réaliste et nous l’avons fait savoir aux autorités concernées.
Puffs jetables dans les kiosques
Une autre réflexion concerne la vente de puffs jetables dans les kiosques. Il est à noter que ces produits, qui n’auraient jamais dû être commercialisés au vu de leur attractivité et de leur nocivité auprès des jeunes, vont être interdits surtout parce qu’une fois jetés à la poubelle, ils ont la fâcheuse propension à bouter le feu à nos déchetteries. Mais comment pourra-t-on empêcher nos ados de se fournir en puffs sur internet, puis de revendre ces objets parfumés et colorés à leurs camarades ? Il semblerait d’ailleurs que l’industrie concernée ait déjà trouvé la parade à cette règlementation … Malgré une interdiction qui nous parait très souhaitable, il faudra continuer de se préoccuper de cette question des cigarettes traditionnelles, électriques ou jetables …
Smartphones à l’école
Au niveau international et local, notons enfin les intentions d’interdire l’usage du smartphone dans les collèges et leurs environs. Une proposition tentante, mais qui entre en contradiction avec l’usage de plus en plus recommandé par l’école elle-même de ces objets (consultations Pronote …) et les multiples applications indispensables à nos élèves (abonnements de transport public, paiements Twint, contacts avec les familles …). Et si l’on interdit totalement l’usage du smartphone dans les écoles et les préaux, ne risque-t-on pas d’inciter nos élèves à quitter ce périmètre sécurisé pour aller consulter leurs portables dans les ruelles voisines ? Ce ne serait probablement pas la meilleure alternative …
Ces trois situations démontrent la complexité des problèmes sociaux dont l’école doit s’occuper, avec une accélération des changements à prendre en compte. Or, comme toute institution, l’école est un paquebot difficile à manœuvrer et lent à la réaction. Pour autant, et même si celles-ci sont parfois légitimes et peuvent nous « dépanner » dans l’immédiat, les interdictions diverses ont une fâcheuse tendance à déplacer les problèmes au lieu de les résoudre. L’occasion est donc belle de rappeler ici que la mission fondamentale de l’école n’est pas d’interdire ou de sanctionner, mais de développer les compétences de nos jeunes, de les instruire, de les éduquer, de leur donner les outils réflexifs leur permettant peu à peu de faire des choix à propos de leur vie, de devenir des adultes et des citoyen·nes éclairé·es et responsables. Ne perdons jamais de vue cet objectif fondamental !
Le SAEN vous souhaite une belle reprise et de nombreuses satisfactions dans cette nouvelle année scolaire !
Pierre-Alain Porret, président du SAEN