Ils·elles se sont aimé·es, c’est sûr. Au début, il y avait de la confiance, de la curiosité, un peu d’admiration. La relation était pleine de promesses. Et puis, comme dans tous les vieux couples, les malentendus, les frustrati ons et les attentes irréalistes se sont installés.
Aujourd’hui, l’école et les parents vivent ensemble … mais pas toujours en harmonie. Et le canapé du conseiller conjugal commence à se faire petit.
Du côté de l’école, on aimerait des parents investis, mais pas trop. Qu’ils participent aux réunions, mais sans poser trop de questions qui fâchent. Qu’ils s’intéressent aux apprentissages, mais laissent les pédagogues faire leur travail. Qu’ils soutiennent l’autorité, sauf quand elle dysfonctionne — ce qui, évidemment, n’arrive jamais. Bref, le parent idéal ressemblerait à un croisement entre une cheerleader silencieuse, un·e diplômé·e en psychopédagogie avec une capacité surnaturelle à signer tous les papiers dans les temps.
Côté parents, ce n’est pas mieux. On voudrait une école attentive, mais pas envahissante. Disponible, mais pas exigeante. Innovante, mais pas déstabilisante. Et surtout, capable de faire progresser l’enfant sans jamais le·la contrarier, ni lui faire écrire une rédaction de plus de six lignes, avec intro et conclusion, s’il vous plait. Certain·es rêveraient d’un enseignement « à la carte », façon menu scolaire avec option sans conjugaison, sans fractions et sans leçons à apprendre.
On se parle encore, bien sûr. Par messages interposés : via Teams, WhatsApp ou l’indémodable mot dans le carnet, souvent glissé à la va-vite entre un pique-nique oublié et un devoir non signé. Parfois, on se dispute poliment en entretien individuel, chacun·e campé·e sur son expertise – l’un sur la pédagogie, l’autre sur la « connaissance de son enfant ». En cas de conflit, l’un ou l’autre finissent inévitablement par bouder sur le canapé.
La coéducation, dans tout ça ? Un vœu pieux, souvent lu dans les projets d’établissement comme on lirait un horoscope : on y croit si ça nous arrange. Parce qu’en réalité, ni l’école ni les parents n’ont vraiment appris à coopérer. Les acteurs cohabitent, bricolent, font au mieux. Au final, comme dans tout vieux couple, on espère secrètement que l’autre changera un jour.
Mais peut-être que le salut réside ailleurs : dans l’écoute, dans l’art de se remettre en question sans perdre la face, voire dans l’humour. Accepter que tout ne roule pas, que les ratés font partie du chemin. Si, au lieu de rejouer la scène du « tu ne m’écoutes jamais », les enseignant·es et parents réapprenaient à dialoguer ? Non pas pour tout régler, mais pour avancer, ensemble.
Au fond, s’il y a encore des disputes … c’est bien qu’il reste de l’attachement.
David Rey, président du SER
