À la baguette !

En 1974, celui allait devenir directeur de l’École du Marché-Neuf fondait la Musique  des Jeunes de Bienne. Cette institution qui fêtera le 26 octobre son jubilé vient enfin de recevoir la « Distinction pour mérites exceptionnels dans le domaine de la culture » décernée par la Ville de Bienne.

Jean-Claude Clénin: «On jouait surtout des marches, comme San Carlo, et on devait vérifier que les souliers
des musiciens soient impeccablement cirés en noir
!»

Samedi 26 octobre 2024. Jean-Claude Clénin a écrit en gras cette date dans son agenda. Car ce jour-là, la Musique des Jeunes de Bienne (MJB), institution que cet instituteur avait créée en 1974, fête ses cinquante ans. « Je n’aurais pas pu imaginer une telle longévité », affirme sans fausse modestie celui qui a aussi été durant 25 ans le directeur de l’École du Marché-Neuf. « À l’époque, il fallait donner un coup de pied dans la fourmilière. » Car l’enseignement orchestral à l’école passait alors essentiellement … par la Musique du Corps de Jeunesse, « Cet ensemble était réservé aux seuls garçons et imposait de strictes limites d’âge ! », se souvient-il. En plus, le répertoire musical et la discipline étaient franchement militaires. « On jouait surtout des marches, comme San Carlo, et on devait vérifier que les souliers des musiciens soient impeccablement cirés en noir ! »

Il pratiquait déjà la trompette et aimait le « vieux jazz », le rock et la chanson française, comme en témoignent sa collection de vinyles et le juke-box qui trône dans son salon. « J’avais immédiatement eu le soutien de deux importantes personnalités politiques socialistes : Guido Nobel, député, syndicaliste et membre de la Musique ouvrière, et le futur maire de Bienne Hermann Fehr. Ils avaient été séduits par la dimension sociale de la MJB, qui permettait à des élèves d’apprendre à jouer de la musique sans que leurs parents ne doivent dépenser beaucoup d’argent. Et bien sûr, sa féminisation ! »

Dans les années 70, Jean-Claude Clénin était lui-même membre du PS. Pourtant, quelques années plus tard, ce fut sous les couleurs du Parti radical romand de Bienne que ce père de trois enfants et sept fois grand-père entama une carrière politique. « L’explication est simple: je m’étais rendu compte que si la MJB était plutôt une idée de gauche, outre les subventions, elle était pour l’essentiel financée par des personnes de droite, notamment par des chefs d’entreprise ! Cela m’avait amené à me poser des questions ! » Il avait aussi présidé le parlement biennois.

Si c’était à refaire, Jean-Claude Clénin redeviendrait enseignant. « C’était mon rêve depuis mes 10 ans ! » Comme président des Familles d’accueil de Bienne, il retourne d’ailleurs souvent à l’école. Mais il s’inquiète de constater que les relations avec les élèves et leurs parents sont parfois devenues plus tendues. En 2005, alors directeur du Marché-Neuf, il avait même dû pousser un gros coup de gueule quand trois mineurs extérieurs à l’établissement avaient terrorisé des écoliers de première année et même menacé un enseignant qui tentait d’intervenir pour mettre un terme à leurs agissements. Il avait alors préconisé à l’ATS « la présence de Securitas ou l’installation de caméras de vidéo-surveillance ». 

Durant 35 ans, Jean-Claude Clénin a mené à la baguette près d’un millier de musiciennes et musiciens à la tête de la Musique des jeunes de Bienne. Certain·es en ont fait leur métier, comme Amin Mokdad, Matthieu Noirat et Céline Clénin, sa propre fille. 

À 80 ans, l’œuvre de sa vie d’enseignant vient enfin d’être récompensée à sa juste valeur avec la « Distinction pour mérites exceptionnels dans le domaine de la culture » décernée par la Ville de Bienne à la Musique des Jeunes et à son créateur. Au même moment et au même endroit, Nemo, vainqueur de l’Eurosong 2024, a reçu le « Prix de la Culture ». Un autre enfant qui a fréquenté les écoles biennoises …

Mohamed Hamdaoui