Côté apprentissage, il y a la maitrise du langage. Ainsi l’adulte va éviter les déictiques (« ça », « faire comme ceci », « comme cela », etc. …toutes ces expressions vagues et passe-partout, qui sont comprises dans le contexte, mais n’enrichissent aucunement le langage, donc la pensée. Là aussi : surtout ce ne doit pas être pénible ! Mais que ce ne soit pas pesant ne signifie pas être absent ! Ainsi l’adulte prendra soin d’utiliser le vocabulaire précis, adéquat : cueillir, filtrer, transvaser, transparent, récipient, spatule, entonnoir, filtre, flacon, éprouvette… etc., plutôt que de montrer du doigt en disant « ça ». Le fait que l’enfant entende les bons termes suffit : inutile de l’obliger à les lui faire répéter ! Quand il sera prêt, il sera le premier à être heureux de s’emparer de nouveaux mots. Côté connaissance : retenir le nom de quelques fleurs qu’il saura identifier. On lui offre le nom de plusieurs fleurs, il retiendra ceux qu’il aura plaisir à connaitre. C’est également important de repérer son niveau d’abstraction langagière et de le féliciter de ses progrès. Ainsi un enfant qui, au lieu d’énumérer les différentes couleurs présentes, va se mettre à employer le mot couleur, témoigne d’un progrès conceptuel certain, d’un niveau d’abstraction avéré. Bien entendu, cela ne devient possible que si les adultes qui l’entourent ont eux-mêmes employé ce mot des dizaines et dizaines de fois devant lui… et non, pensant l’aider, avoir évité cette conceptualisation et préféré décliner eux aussi exclusivement les différentes couleurs. En fait il faut faire les deux, pour que le mot générique abstrait de la catégorie (ici couleur), dont on vient d’énumérer plusieurs éléments (rouge, vert, bleu, jaune…) prenne signification. L’enfant va progressivement comprendre le mot générique employé par l’adulte pour signifier la catégorie en question (ici couleur), jusqu’à une première maitrise du concept couleur : dès que l’enfant s’en empare et emploie le mot spontanément.
Il sera également intéressant que l’enseignant.e propose la réalisation d’une trace écrite de l’activité, pour mémoire et/ou pour un échange scolaire comme but proposé à l’enfant. La trace écrite permet de passer à une autre représentation, à une autre formalisation, ce qui accroit encore la conceptualisation. Ainsi il faudra se remémorer les différents temps, en retrouver les photos correspondantes et les ordonner. Élaborer un texte et l’écrire (ou le dicter à l’adulte). Il faudra réaliser une fiche de fabrication de l’activité : en décomposant toutes les actions et en les représentant avec ou sans texte. Cela correspond à une écriture et une lecture fonctionnelle chez les petits qui ne savent pas encore lire et écrire, ce qui leur procure une entrée fondamentale dans l’écriture et la lecture : une approche par leur pouvoir d’action.
Cette petite histoire montre comment une activité initialement « spontanée », peut devenir éducative, très discrètement éducative, puisque restant essentiellement ludique, agréable, et avant tout un moment de partage, mais assurant un gain en autonomie, en émancipation, en langage et en pensée, avec en plus quelques connaissances. C’est une bonne illustration de ce que l’on appelle évolution de l’activité dans la théorie de l’activité (celle de Léontiev), partie centrale d’une théorie socioconstructiviste (Leontiev, Vygotski, Wallon.) Le but, d’abord très simple, et souvent aléatoire, se complexifie ; et, de proche en proche, de nouveaux effets entrainant de nouveaux buts, les enfants deviennent capables de réaliser des choses qui auraient été inatteignables d’entrée de jeu, mais qui, malgré les difficultés certaines, sans surcharge cognitive, grâce au vécu partagé, grâce à cette évolution de l’activité, deviennent possibles et en plus jubilatoires.