« Le progrès ne vaut que s’il est partagé de tous. » Aristote
L’intelligence artificielle (IA) représente une formidable ressource qui interroge autant qu’elle réjouit. Dans les écoles, le corps estudiantin y recourt largement. Certain·es l’utilisent comme un outil au service de leurs productions en confrontant leurs réflexions à celles d’une doctrine majoritaire ou référencée par l’IA, d’autres génèrent entièrement ou partiellement leurs travaux ou devoirs avec. L’atteinte même des objectifs pédagogiques est remise en question dans l’un des deux cas, alors que dans l’autre elle est assurée avec une part d’indépendance et d’esprit critique en plus.
Un réel enjeu se dessine pour que les futur·es citoyen·nes de demain soient indépendant·es et suffisamment critiques face à l’information pour dénouer le vrai du faux, le réel de la fiction, l’humain de la machine. Pourtant, cette limite fait bien débat, car aujourd’hui bien malin·gne, celle ou celui qui peut différencier un contenu graphique ou textuel généré par une IA de celui généré par un être humain.
La question se pose désormais dans nos écoles d’accompagner à l’utilisation de l’IA, plutôt qu’à l’interdire. La valeur donnée à des travaux réalisés à domicile doit désormais être mise en relief avec le niveau de compétence de son auteur·trice en génération de contenu en ligne. Un contenu informatif généré par l’IA et ensuite mise en mots ne relève pas du même contexte ou objectif qu’une rédaction de contenu.
Ces nouvelles ressources, les grands modèles de langage (LLM) ne cessent de se développer, de s’indexer et d’améliorer leurs productions. Ces innovations ont la particularité de traiter une grande quantité de données, de pages PDF par exemple. Autrement dit, lorsqu’un·e utilisateur·trice glisse l’un ou l’autre document PDF en anglais ou en français de plusieurs dizaines de pages, le programme est en mesure de résumer l’ensemble des documents en français, mais également de citer et sourcer des passages particuliers qui répondraient à une question ciblée. Un pas de plus est franchi. Ici, la machine effectue un travail de synthèse, de recherche et également d’indexation de l’information dans le but de la mettre en valeur. L’IA traditionnelle est d’ores et déjà capable de la mettre en valeur et en perspectives grâce à ses capacités d’analyse et génératives de contenu. On se dirige donc vers une forme de méta-analyse de contenu par nos élèves ou notre corps estudiantin. L’acquisition de compétences pourrait donc évoluer vers une forme de métacognition et de remise en question des savoirs certifiants.
De l’autre côté de ce tableau, le corps enseignant a un rôle essentiel à jouer. Les productions électroniques ou à domicile de nos élèves ne démontrent plus uniquement l’acquisition de savoirs ou de compétences brutes, mais également de stratégies numériques. L’évaluation, la définition des objectifs et plus largement du cadre de formation devra prendre en considération ces éléments pour conserver l’humain au centre du processus et l’accompagner dans son acquisition de compétences. Nous entrons au cœur de la littératie numérique.
Ces opportunités dans l’enseignement permettront la création de contenu, la différenciation ou la mise en forme simplifiée d’informations. Un temps conséquent doit encore être investi actuellement pour vérifier soigneusement chaque information et conclusion. L’IA est en phase de développement et de nombreuses corrections ont été faites et le seront encore. Enseignant·es, étudiant·es et élèves restent garant·es de leur propre production et à ce titre, s’associer à une IA revient à prendre un risque, celui de ne pas maitriser un contenu ou une analyse que nous mettons à notre compte. Le risque de plagiat n’est pas à sous-estimer. Plus que jamais, la définition du vrai ou du travail propre devient floue et sera appelée à se redéfinir. Être critique face au monde numérique qui nous entoure et savoir l’appréhender pour devenir des citoyen·nes indépendant·es ou non, telle est la question.
Christophe Girardin, secrétaire général du SEJ