Formateurs et formatrices de terrain-d’institution … ou comment jeter des ponts entre les différents lieux de formation ? 

Ces pages sont une première, il faut le signaler. Elles sont rédigées conjointement par des formateur·trices de terrain et des formateur·trices d’institution qui, suite aux recommandations lancées par la Cour des comptes du canton de Vaud et dans une visée de co-développement professionnel, se sont associé·es pour organiser une journée de formation en début d’année autour de la thématique suivante : « Renforcer la pratique réflexive pour une entrée réussie dans le métier enseignant. »

C’est ainsi que près de 90 formateurs et formatrices de terrain (ci-après FT) 1 et d’institution (ci-après FI) 2 ont échangé sur des pratiques et des contenus liés à la formation en alternance et au développement de la réflexivité des futur·es enseignant·es. La journée visait notamment les objectifs suivants :

1. Développer le partenariat entre formateur·trices de terrain (FT) et d’institution (FI).

2. Développer les compétences des acteurs du système de formation en alternance intégrative.

3. Développer la formation continue des formateur·trices de terrain (FT).

Le travail a permis non seulement d’acquérir de nouveaux outils ou de nouvelles idées dans les pratiques quotidiennes des formateur·trices, mais également de les analyser collectivement. Un élément central est ressorti : les liens à tisser entre les différents espaces sont essentiels pour une formation de qualité des enseignant·es.

 

Transmettre le métier ou faire réfléchir sur le métier 

Dans les formations en alternance, une opposition peut parfois apparaitre entre deux acteurs : l’expérience du terrain apporte une connaissance pratique, ancrée dans la réalité quotidienne de la classe, tandis que les savoirs institutionnels offrent des perspectives théoriques et des méthodologies de recherche. 

Dans ce contexte, un dilemme apparait pour la formatrice ou le formateur : faut-il transmettre le métier ou faire réfléchir les stagiaires sur le métier ? (Chaliès, 2016).

En effet, se contenter de transmettre le métier sans réflexion peut mener à une pédagogie figée et à un mimétisme aveugle. Cependant, une réflexion trop théorique, déconnectée de la réalité pratique, peut également poser problème. Les métiers ne sont pas constitués que de concepts, ils sont faits de gestes, de contacts humains, et de contextes particuliers que seules l’expérience et la pratique permettent de maitriser pleinement.

Isabelle Vivegnis 3, conférencière invitée durant cette journée, propose de résoudre ce dilemme en articulant ces deux pôles, plaidant pour une réflexion constante et complémentaire. Elle encourage les enseignant·es à adopter une posture de chercheur·e, à expérimenter de nouvelles approches et à évaluer l’efficacité de leurs pratiques. Cette réflexion est souvent nourrie par les savoirs institutionnels, qui apportent des connaissances théoriques et des perspectives innovantes, mais aussi par des moments d’échanges comme lors de cette journée de formation. 

De ce point de vue, cette formation a permis aux FI et aux FT de collaborer et de réfléchir sur leur pratique afin de favoriser la transmission du métier d’enseignant·e en termes de soutien de la réflexion des stagiaires. Ce n’est pas en opposant, mais bien en conjuguant les expériences du terrain avec les connaissances théoriques que l’enseignement peut gagner en qualité, travailler les dilemmes et répondre aux défis présents et futurs.

Importance de la posture 

Différents axes ont été proposés lors de la conférence d’Isabelle Vivegnis pour aborder le thème central de la journée : développer la réflexivité du ou de la stagiaire. Parmi ceux-ci, l’importance et l’impact de la posture du·de la formateur·trice dans ses échanges avec le ou la stagiaire. Dans certains ateliers, nous avons décidé de revenir sur ce point et de faire des liens entre les postures présentées (posture de soutien, posture de facilitation de l’agir enseignant, posture de facilitation culturelle, posture critique) et les postures d’Hennissen et al. (2008). Pour rappel, ces dernières s’articulent selon deux axes : être directif·ve ou non et être acti·ve ou non dans les échanges avec le ou la stagiaire. Ce retour sur ces différentes postures a interpelé beaucoup de formateur·trices (FT et FI) et chacun·e s’est questionné·e spontanément sur sa manière d’agir, sur ses propres postures et sur l’impact de ces dernières sur la formation du·de la stagiaire.

Pour poursuivre la réflexion sur ce sujet, des vidéos sous forme de saynètes mettant en exergue l’une ou l’autre des postures ont été analysées. L’analyse portait sur la posture de chacun·e des protagonistes et également sur l’impact de cette dernière sur le développement de la réflexivité des stagiaires. Les échanges entre les différent·es formateur·trices ont amené à plusieurs constats dont l’importance de varier les postures, de s’adapter au·à la stagiaire, d’avoir une préparation de l’entretien en amont (De Simone, 2023), notamment en clarifiant ses attentes, en posant un cadre ou en laissant un temps de réflexion aux stagiaires. Les discussions et le partage de pratiques ont poussé les formateur·trices à réfléchir plus en profondeur à leur manière d’agir, à développer la réflexivité chez les novices et, de manière plus globale, à poursuivre les échanges autour de la question suivante : comment collaborer entre FI et FT pour aider au mieux les stagiaires à évoluer et à réfléchir sur leurs propres actions ?

Enjeux du partenariat entre formateur·trices de terrain et d’institution 

Pour l’organisation de cette journée d’échanges, les six FT et six FI 4 se sont retrouvé·es autour d’une table (ou écrans) pour penser et concevoir trois ateliers. Cette collaboration a débuté par la mise en place d’un vocabulaire commun pour créer les différents ateliers, afin que toutes et tous se sentent concerné·es par le renforcement de liens plus étroits entre le terrain et l’institution. 

Les échanges dans les différents ateliers ont clairement mis en avant ce besoin de développer un véritable partenariat interinstitutionnel. Cependant, trop souvent les pistes pour tendre à plus de collaboration se heurtent aux réalités du terrain, comme à celles de l’institution, notamment le manque de temps, les difficultés liées aux lieux géographiques, à la surcharge administrative, etc. Ainsi, les priorités ne sont pas toujours associées aux ponts à jeter entre terrain et institution. Le besoin est pourtant réel et les différentes pistes évoquées durant cette journée méritent d’être prises en considération, par exemple : 

• Organiser des co-visites de stage (FT et FI) sans enjeu d’évaluation.

• Développer collectivement un langage et des références communes. 

• Impliquer des FT dans les séminaires d’analyse de pratiques professionnelles ainsi que dans les jurys d’examens, pour renforcer les liens entre tous les acteurs et les contenus de la formation.

• Favoriser des rencontres tripartites et organiser des moments de rencontres et d’échanges plus conviviaux ont également été évoqués. 

La formation continue ne doit pas être oubliée. Dans ce domaine, l’enjeu est de la rendre attractive afin que toutes et tous se sentent concerné·es et souhaitent s’investir dans le développement de la collaboration entre FT et FI. La visée défendue par l’ensemble des formatrices et formateurs est de promouvoir une formation en alternance de qualité, qui respecte les rôles de chacun·e, au service de la réflexivité des stagiaires et des apprentissages des élèves. Par exemple, le dispositif Mentoring Conversation Study, proposant d’analyser collectivement les échanges entre stagiaires et formateur·trices, constitue une offre de formation continue HEP destinée aux FT et aux FI.

Conclusion

Pour conclure, cette organisation a exigé du temps en amont de la journée de coformation, et c’est cette anticipation partagée entre FT et FI qui a contribué à la réussite de cet évènement. Les douze formatrices et formateurs ayant organisé cet évènement ont eu beaucoup de plaisir à préparer et à participer à cette journée en tant que FT et FI. La richesse des échanges ne fait que confirmer l’importance de ce type de formation qui, nous l’espérons, s’inscrira dans la durée.

Auteur·es de ces pages : 

Pour les formateur·trices de terrain (établissements scolaires du canton de Vaud) : Romain Capt, Alexandra Constantin, Caroline Partitaro.

Pour les formateur·trices d’institution (HEP Vaud) : Soraya De Simone, Cyrille Jacquier et Marc Pidoux.

1 Praticiens formateurs et praticiennes formatrices dans le canton de Vaud.

2 De la Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud). 

3 Spécialiste des questions portant sur le mentorat et le tutorat à l’enseignement, notamment en Belgique et au Québec.

4 Remerciements aux six autres collègues ayant participé à l’organisation de cette journée, en tant que FT : Patrice Crottaz, Bastien Saugy, David Vogel; en tant que FI : Santiago Hernandez, Marcos Maldonado, Sabine Oppliger.