La Talentothèque - 04/2023

La Talentothèque

Pirates, à l’abordage … de l’orthographe !

 

Les « orthographes approchées » : une méthode pour naviguer avec les élèves vers l’apprentissage du code écrit à partir de leurs connaissances.

 

 

Valérie est enseignante chargée de soutien pédagogique ( ECSP ) dans une école en réseau d’éducation prioritaire à Genève. Lors de sa découverte d’une méthode d’aide à l’apprentissage de la lecture, elle a été conquise et l’a adoptée, en l’adaptant, et en la transmettant aussi à ses collègues ( dont j’ai eu la chance de faire partie ). Encore aujourd’hui, elle l’utilise très régulièrement, toujours aussi enthousiaste.

 

Comment tu expliquerais la démarche des orthographes approchées à qui ne les connait pas ?

Valérie : Il s’agit d’une démarche avec un protocole assez structuré (mais adaptable) pensé pour des élèves non lecteurs et non scripteurs, en principe des 2H. Tu choisis un mot, et plus tard, une phrase, que tu leur proposes d’écrire… comme ils pensent que ça c’écrit. La démarche complète prévoit plusieurs étapes, dont une de comparaison en petits groupes, puis une étape finale en groupe – et c’est à mon sens la plus importante – où on partage les différentes propositions: on décortique, on en discute, on analyse chaque solution, pour en arriver, à la fin de la séquence, à l’orthographe correcte du mot.

Quand je commence, je choisis un mot avec peu de particularités, sans sons complexes – par exemple PIRATE. Au début, cela peut être très déstabilisant pour certain·es élèves, et là il faut beaucoup les encourager, et accepter qu’il y ait des élèves qui ne produisent rien ou qui finissent par mettre des lettres au hasard. Dans la démarche classique, la deuxième phase prévoit que par petits groupes, les élèves comparent leurs solutions et choisissent ensemble celle qui leur semble la manière juste d’écrire ce mot (ce qui est difficile pour les élèves qui débutent). Lors de l’étape finale, j’écris au tableau toutes les manières d’écrire le mot PIRATE que les élèves ont trouvées, et à chaque fois je dis «Ben voilà: il y a un élève qui a écrit PRT – donc quand je lis, cela fait [prt]». Et là, on discute avec les élèves, mais moi j’essaye toujours de mettre l’accent sur ce qui est juste, et de partir de là pour avancer petit à petit. Dans ce cas je dirai: «Bravo, cet élève a entendu que ça commence par [p], super!» La discussion continue, jusqu’au moment où je leur dis: «Voilà, maintenant je vais vous montrer comment on écrit PIRATE.» Et en l’écrivant, j’explicite comment je fais. Et cela se termine toujours par la demande de recopier le mot juste, donc l’écriture normée, dans leur cahier.

Pour moi, l’essentiel c’est d’encourager cette réflexion par rapport à l’écrit, l’encodage, les normes… Et c’est ce que je trouve intéressant dans cette démarche, par rapport à la production écrite traditionnelle, où on demande souvent aux élèves d’écrire ce qu’ils et elles veulent, donc où ils et elles doivent inventer, ce qui met toute la charge cognitive sur «Qu’est-ce que je vais bien pouvoir écrire?». Cela met en difficulté notamment les élèves avec des fragilités. Alors qu’avec la méthode des orthographes approchées, on impose le mot ou la phrase, et cela permet à l’élève de se concentrer sur ses connaissances déjà là et de réfléchir à l’encodage, et non pas au contenu.

 

Ce qui est puissant aussi, c’est que tu leur dis : vous écrivez comme vous savez, comme vous pensez …

… et tu leur dis aussi «on va partir de ce que vous savez, on va réfléchir ensemble, partager les connaissances des uns et des autres, et nos stratégies aussi». C’est là que mon rôle prend tout son sens. Et en effet, lors du moment de mise en commun, j’essaie toujours de partir de ce qu’ils et elles savent, pour les faire progresser, parce que c’est la base selon moi dans cette approche. Pour moi, ce qu’il y a de plus porteur de sens dans cette démarche, c’est que les élèves sont actif·ves dans la construction de leurs compréhensions de ce qu’est l’orthographe, de leurs compétences et de leurs connaissances orthographiques. En fin de compte, on s’approche (justement!) de la norme, de la convention, et c’est important d’y arriver, mais ce n’est pas ce qui est primordial ici. Ce qui compte le plus pour moi avec les orthographes approchées, c’est le moment où collectivement on construit cette norme, mais en partant de ce que les élèves savent, de ce qui est juste dans leurs productions.

C’est le chemin, le processus, qui prime.

 

Quels conseils donnerais-tu à qui veut adopter cette démarche ?

Il ne faut pas se décourager, car au début ça peut prendre du temps. C’est vraiment intéressant de le faire très régulièrement – avec une collègue en 3H, on le fait toute l’année, chaque semaine, en coenseignement. Petit à petit, les élèves commencent à utiliser leurs connaissances et celles des autres, les références affichées dans la classe, et même à revenir spontanément aux pages précédentes de leur cahier: «ah oui, ce mot on l’avait déjà écrit une fois, c’était comment déjà?»

Partir des connaissances des élèves pour naviguer vers l’orthographe correcte… moi, j’y crois vraiment à fond! •

 

Valérie Calame & Katja Vanini De Carlo, dessins de Cinzia Giaccardi

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