Les connaissances scientifiques de neurosciences et de psychologie au service de l’école 

Yves François, psychologue systémicien et Jeremy Grivel docteur en neurosciences, ont fondé l’agence aXesslab spécialisée en sciences du comportement en 2008. Basée sur les connaissances scientifiques des neurosciences et de la psychologie, aXesslab propose des stratégies de changement de comportement à ses clients ou des conférences et des formations.

À propos du développement de l’enfant, il existe maintenant de nombreuses données qui affinent nos connaissances en matière d’apprentissage, d’influence de l’environnement ou de l’importance des liens sociaux. Ces données peuvent être juxtaposées avec les constats qui sont fait par le corps enseignant à propos du monde de l’école pour envisager des changements, des optimisations, ou plus radicalement, des révolutions.

La toxicité du stress

Le stress aigu est très utile car il permet de mobiliser une grande quantité de ressources attentionnelles et énergétiques au service d’une action rapide, mais de courte durée. Échapper à un éboulement, réagir vis-à-vis d’un chien agressif, etc. Par contre, le stress aigu n’est absolument pas utile dans le cas d’une évaluation à l’école, car cette dernière n’est pas censée être une menace, plutôt une simple mesure de l’avancée de l’apprentissage. De plus, le stress est très toxique lorsqu’il devient chronique. Il perpétue cette mobilisation intense, entrave le fonctionnement normal de l’individu en produisant des modifications du métabolisme pour faire face à cette demande continue. À ce titre, le stress des évaluations répétées, des notes et des moyennes, des risques d’échec ou de redoublement va diminuer les capacités d’apprentissage des élèves, diminuer leur créativité, dégrader leur système immunitaire et la qualité de leur sommeil et finalement, va modifier leur cerveau. 

On sait maintenant par exemple que le stress chronique atrophie certaines zones cérébrales impliquées dans la gestion des émotions et dans les activités de mémorisation. Bref, le stress chronique est un poison dommageable pour le bon fonctionnement du cerveau, et particulièrement regrettable dans le cas d’un cerveau en plein développement comme celui de l’enfant et de l’adolescent. Les pressions que les différents acteurs (programme scolaire, évaluations, enseignant·es, parents, comparaisons entre élèves) font exister autour de la mesure des apprentissages contribuent à produire ce stress chronique.

De plus, ce type de stress est une entrave à la curiosité. Curiosité qui est un très bon facteur de développement de la motivation intrinsèque. En effet, la découverte de nouvelles connaissances, le développement de pratiques qui vont augmenter les compétences de l’enfant, lui donner accès à un statut social particulier et augmenter ses chances d’être accepté et reconnu dans son groupe de pairs créent une dynamique positive pour le développement de l’individu, alors que la motivation à obtenir une bonne note est une motivation extrinsèque qui génère beaucoup moins de conséquences positives. Si l’organisation de l’école se servait des connaissances sur la motivation, le corps enseignant s’essoufflerait nettement moins à tenter de mobiliser les élèves.

En matière d’apprentissage, les connaissances permettent maintenant de comprendre que ce processus a besoin de conditions favorables. Comme l’ont montré les travaux de Stanislas Dehaene, neuroscientifique : la stimulation de l’attention, l’engagement actif de l’élève, les bénéfices des erreurs et la consolidation des apprentissages sont des étapes essentielles. La dopamine est la molécule de l’apprentissage car elle fait naître la motivation. Lorsque le cerveau reçoit un afflux de dopamine, il apprend la situation, les informations et les comportements associés afin que la probabilité de recevoir à nouveau de la dopamine soit augmentée car elle est jugée bonne pour la survie de l’individu au sens large. Par exemple, si l’élève, après avoir reçu une mauvaise note, peut s’engager activement pour comprendre ses erreurs, retravailler le sujet puis repasser une évaluation et la réussir, il découvrira comment son action lui permet de réussir et comment ses progrès augmentent ses compétences. À ce titre, les évaluations formatives du niveau primaire correspondent bien à ce type d’apprentissage. En général, le programme scolaire prévoit une évaluation qui termine le chapitre et, qu’elle soit bonne ou mauvaise, ouvre le suivant en laissant à certain·es élèves l’expérience de l’échec sans possibilité d’amélioration. C’est donc le contraire d’un apprentissage centré sur les connaissances scientifiques actuelles. De plus, un·e élève qui a obtenu quelques mauvaises notes aura tendance à recevoir une appréciation générale de type : « tu es mauvais·e en maths ». Cet étiquetage, qu’il soit auto-attribué ou adressé par un tiers, contribue à figer l’élève dans cette identité ce qui va diminuer les chances d’amélioration, alors qu’un apprentissage qui tire bénéfice des erreurs aura tendance à produire de la valorisation et de la persévérance en empêchant l’existence de cette étiquette.

Ces connaissances et de nombreuses autres encore dont certaines ont été expérimentées puis relatées dans l’ouvrage cité ci-dessous, pourraient pourtant aider à changer l’école pour offrir des opportunités plus évidentes au développement sain des élèves.

Yves François & Jeremy Grivel

Alvarez, C. (2017). Les lois naturelles de l’enfant. Les Arènes.