Des histoires entre ombres et lumières

Invitations offertes !

10 invit' offertes respectivement pour Belle (Filmcoopi), Petite Solange, Leçons persanes (Frenetic-films), Jean-Michel Super Caribou (Outside-the-box)  et 5 invitations pour Presque (JMH),  Les Jeunes amants et Madeleine Collins (Filmcoopi), Love of fate (Outside-the-box) . 

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Un mélodrame ado 2.0

Comblés seront les amateur·trices de l'anim’ traditionnelle japonaise avec ce récit initiatique d'une lycéenne du nom de Suzu. Une histoire d'émancipation féminine que n'aurait pas reniée l'illustre Miyazaki. Cette ado qui ne se sent plus à sa place depuis son enfance orpheline, va la trouver sur la plateforme U qui promet une nouvelle vie. Suzu se sublime en chanteuse pop, adulée par des milliards d'avatars. En une féérie immersive et psychédélique des plus démesurées, Suzu alias Belle va rencontrer un Dragon hideux. Cette relecture de La Belle et la Bête de Jeanne Marie-Prince de Beaumont donne lieu à une fable romantique, baroque et solidaire contre la violence envers les enfants. Sidérant à souhait !

Belle, Mamoru Hosoda, 2021, Japon. Au cinéma dès le 26 janvier.

Une résilience adolescente lumineuse

Solange est du genre candide, en rien le cliché de l'ado taiseuse et agressive. Plutôt le cœur grenadine, tendre et sans défense devant le réel parfois sec et brutal. Comme ces premiers éclats de voix dans la quiétude du foyer familial. La rupture entre ses parents est aperçue à travers des miroirs, des fenêtres, entendue par bribes, de loin. Du sentiment d'incompréhension à celui de solitude, une petite musique mélancolique trotte pernicieusement en Solange. Elle n'a personne à qui confier sa peine. Son frère ainé Romain préfère prendre la tangente en avançant son Erasmus à Madrid. Incomprise, Solange erre dans les rues de Nantes et le long de la Loire, à la noirceur scintillante. Cette perte de l'innocence, du point de vue de Solange, est donnée à voir avec une sensibilité à fleur de peau mais sans culpabilisation aucune des parents. L'exemple même du film qui permet de mieux comprendre comment un·e enfant ressent dans ses tripes la fin de l'amour familial. Une écriture très juste et une mise en scène tout en finesse qui ont valu à la réalisatrice Axelle Ropert le Prix Jean Vigo 2021.

Petite Solange, Axelle Ropert, 2021, France. Au cinéma dès le 2 février.

Premiers émois amoureux pour les tout petits

Au village de Vlalbonvent, chacun·e a son amoureux·se, mais ce n'est pas forcément réciproque et alors ça pleure ! Seul Jean-Michel le caribou file le parfait amour avec Gisèle la chamelle. Un beau jour, le maire Marcel l'éléphant décide d'interdire les histoires d'amour car, comme la chanson le dit si bien, ces histoires finissent toujours mal. Christiane la chatte joue le rôle du garde-chiourme qui supprime les romans, les journaux, les couleurs, les objets et les chansons romantiques. Et jette un regard oblique sur les amoureux … Jean-Michel et Gisèle rentrent en résistance passive puis active en regroupant d'autres citoyen·nes. Jean-Michel souhaite tout résoudre avec amour et surtout sans violence. Un conte moderne, subversif et plein d'humour. Tiré des livres éponymes publiés chez Actes Sud Junior.

Jean-Michel Super Caribou. Mathieu Auvray, 2020, France. Au cinéma dès le 2 février.

L'imaginaire au service de la mémoire

1942, un détenu juif, Gilles, échange son sandwich contre un livre sur les mythes et poésies de Perse. Devant le peloton d'exécution, il clame son origine iranienne. Ce mensonge le sauve. Un officier nazi recherche en effet un détenu qui pourrait lui enseigner le farsi. Cet officier, Koch, envisage d'ouvrir, après la guerre, un restaurant à Téhéran. Gilles, qui ne connait aucunement le farsi, invente chaque soir un vocabulaire sur la base des noms des détenus exécutés dans le camp de transit. Librement adapté d'une nouvelle (Invention d'une langue de Wolfgang Kohlhaase), ce scénario détonant est mis en scène avec force détails historiques et un performant jeu d'acteurs qui habitent à merveille leur rôle (Nahuel Perez Biscayart et Lars Eidinger).

Leçons persanes, Vadim Perelman, 2021, Russie/Allemagne. Au cinéma depuis le 19 janvier. 

L'autre offre une part d'éternité

Louis dit jeter un froid quand il précise son activité (croquemort) tandis qu'Igor, lui, n'a rien de besoin de dire. Igor est né infirme moteur cérébral. Et la philosophie l'aide à se libérer du regard d'autrui. Les deux hommes se rencontrent accidentellement sur une route lausannoise.  La passion d'Igor pour les questions liées à la mort l'amène à vivre une expérience métaphysique dans le corbillard de Louis en route vers les Cévennes avec le cercueil d'une défunte. Un roadmovie lumineux, un récit doublement initiatique et ludique qui conduira les deux compères à sauter à poil dans l'étang de Thau ! La puissance d'une amitié bien réelle dans le civil entre le philosophe Alexandre Jollien et l'artiste Bernard Campan.

Presque, Alexandre Jollien et Bernard Campan, 2022, France/Suisse. Au cinéma dès le 9 février.

Un thriller passionnel vertigineux

Une jeune quadra, Judith, se joue des frontières et des identités. En France, elle vit avec Melvin, chef d'orchestre, et leurs deux fils. Elle rejoint en Suisse Abdel et sa fille de 3 ans, Nina. Entre les mensonges et les absences répétées, Judith invente sans cesse de la fiction à flux tellement tendu que l'équilibre vacille. Qui est-elle vraiment ? Chaque scène délivre un indice qui emporte le spectateur dans un jeu de pistes labyrinthiques. Une fantastique introspection de la psyché féminine incarnée par Virginie Efira, magnétique et solaire.

Madeleine Collins, Antoine Barraud, 2022, France/Belgique/Suisse. Au cinéma depuis le 19 janvier.

Un grand chant d'amour à l'amour

Quand Pierre, 45 ans, croise imperceptiblement le regard de Shauna, septuagénaire, une étincelle jaillit et couve. Pierre, un médecin remarquable, époux et père adorable, égare tout, passeport, clés, agenda. Quinze ans ont passé quand il retrouve Shauna. Le coup de foudre. Pas une tocade. Cette femme flamboyante qui n'a pas fait l'amour depuis des lustres et qui traverse l'existence sur la pointe des pieds refuse de croire à cet amour fulgurant. Elle se et le voit sans avenir. L'amour de Pierre est totalement honnête et transparent. Jeanne éclate de rire ("Mais c'est une vieille dame !") quand son mari lui révèle son émoi. Ardu de s'émanciper du regard de la société, mais la force de naitre à soi-même jusqu'à la fin de sa vie l'emporte. Du grand cinéma romanesque que portent avec un même brio Fanny Ardant et Melvil Poupaud. Une histoire forte qui appartient à toutes les femmes. Et aussi aux hommes ! 

Les Jeunes amants, Carine Tardieu, 2022, France/Belgique. Au cinéma depuis le 19 janvier.

Commune destinée

Lors du tournage en 2015 du percutant Eldorado de Markus Imhoof, le chef-op' Peter Indergand et l'ingénieur du son Jürg Lempen avaient enregistré des scènes de deux familles dans un camp de réfugiés syriens au Liban et la veille de leur départ en Allemagne, leur futur pays d'accueil. Ces images n'ont pu être insérées dans le montage final qui s'était plutôt focalisé sur les réfugiés traversant en barque la Méditerranée. Par ailleurs ces scènes filmées durant plus de trois heures au Liban et en Allemagne pouvaient à elles seules constituer un film à part entière. Le producteur de Eldorado Pierre-Alain Meier, qui avait été secoué par ces séquences, jugea indispensable de rendre hommage à ces familles qui avaient accepté d'être filmées durant plusieurs jours. Et surtout essentiel de rendre leur âme et leurs images à la famille Jarad. Bref, donner du sens à cette émotion puissance 100 captée par Peter et Jürg. Sans voix-off ni mièvrerie, ce nouveau film, si singulier, donne à percevoir qui sont ce couple et leurs neuf enfants, et surtout ce moment capital de leur vie. Une manière d'humaniser nos regards si souvent détournés ou rendus indifférents.

Love of fate (L'Amour du destin), Pierre-Alain Meier, 2022, Suisse. Au cinéma depuis le 19.01.2022.

Une éco-mélancolie à la libanaise

Walid, journaliste, et Soraya, chanteuse activiste à l'image de Joan Baez, ont fui Beyrouth et son capharnaüm pour vivre isolés à la campagne  avec leurs deux filles et la grand-mère. Cette famille est rattrapée par le chaos de la capitale avec une méga-décharge d'ordures à ciel ouvert qui s'installe devant leur demeure. Si Walid et sa fille cadette Rim font de la résistance passive, Soraya, Tala, la fille aînée et la grand-mère trouvent des compensations avec ce voisinage intrusif. La réalisatrice réussit à créer avec ce premier film une sensation où tout est en suspension : odeurs, attentes, moiteur et fissures dans ce microcosme familial. Sensation qu'elle entrelace avec des visions oniriques et un hors-champ très politique. Plus frontalement, les femmes s'affranchissent de l'obstination brute de Walid. Meilleur long-métrage, Genève 2021 ; Grand Prix du Jury, Séville 2021.

Costa brava, Lebanon, Mounia Akl, 2021, Liban. Au cinéma dès le 02.02.2022.

Anatomie d'une révélation stupéfiante

Costal del Sol, Marbella, 2012. Un homme (Roschdy Zem) supervise sur la plage le déchargement depuis des zodiacs de ballots de cannabis directement entreposés dans sa demeure. Paris, 2016, le même homme rencontre Stéphane Vilner, journaliste au service police-justice du quotidien Libération. Il affirme que Jacques Billard (Vincent Lindon) le chef de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) a fait de l'État français le plus grand trafiquant en Europe. Mais qui pourrait croire que la police française importe des trentaines de tonnes de cannabis sur le territoire, soit l'équivalent de deux mois de consommation ? Complicité ? Complaisance ? Ou incompétence ? Commence alors pour ce journaliste une enquête immersive entre Espagne, Marseille et siège de Libé à Paris. Sans compter les multiples échanges avec ce témoin du trafic policier, Hubert Antoine, qui aboutiront à la publication en mars 2017 d'un livre, L'Infiltré dont s'est inspiré librement ce polar journalistique stupéfiant. La caméra nous embarque en temps réel dans la salle de rédaction du quotidien où les journalistes débattent, décryptent toute info avant de lui donner sens et de l'organiser en récit dans les colonnes du journal. Libération a prêté ses locaux mais les journalistes sont des comédiens aguerris (Pio Marmaï, Julie Moulier, Pierre-Alain Chappuis). Édifiant et romanesque. Prix de la meilleure image, Donostia 2021.

Enquête sur un scandale d'état, Thierry de Peretti, 2022, France. Au cinéma dès le 09.02.2022.

Trouver sa voix

Âgé de 8 ans, dans la grange familiale de la Broye vaudoise, Robin songe à en finir avec la vie. Né avec une fente palatine, il est l'objet de moqueries et d'humiliations souvent très violentes. Opérations médicales, séances de logo, pose d'appareils dentaires se succèdent sans certitude de guérison. Mais Robin défie le corps médical et se met à étudier le ...chant ! Un diplôme d'enseignant au Conservatoire de Lausanne plus tard, Robin de Haas rue dans les brancards en refusant des méthodes violentes imposées pour apprendre à chanter. Son intuition le conduit à New-York où il découvre un pionnier de la respiration, Carl Stough, coach entre autres de Lee Evans, médaille d'or  aux JO de Mexico en 1968 (l'un des sportifs à avoir levé le poing ganté de noir contre le racisme). Dès lors, Robin de Haas peaufine sa méthode révolutionnaire de coordination respiratoire et la partage avec des chanteuses (Betty Patural), des humoristes (Vincent Veillon, Yann Ambiel), des sportifs, bref tout un chacun. Une histoire de vie ou comment transformer une souffrance en œuvre d'art.

Robin des voix, Catherine Azad, Frédéric Gonseth, 2022, Suisse. Au cinéma dès le 09.02.2022.