De nombreuses études le montrent : la majorité des élèves et des jeunes en Suisse se portent bien et sont heureux·ses de fréquenter l’école, même si leur enthousiasme est parfois tempéré. En effet, se lever le matin pour aller user son jean sur une chaise d’école n’est pas forcément le rêve absolu. Toutefois, les tensions existent aussi et semblent en augmentation. Parmi elles, la plus insidieuse est probablement due aux phénomènes de harcèlement.
En 2024, suite à la publication par les médias romands de divers témoignages choquants d’élèves victimes de leurs pairs, un groupe inter-partis s’est formé à Neuchâtel sous l’impulsion du Parti socialiste afin de réfléchir à cette problématique. Le SAEN a eu le privilège d’y participer. Quatre motions populaires ont été rédigées et présentées devant le Grand Conseil, qui les a acceptées très largement ce 18 février. Celles-ci demandent un état des lieux, un plan d’action cantonal, une meilleure formation des responsables scolaires et une régulation stricte de l’usage des téléphones portables 1.
Lors de la dernière journée syndicale, cette problématique vous a naturellement été soumise. Voici une synthèse de vos réponses 2 :
Tout d’abord, il est probablement réducteur de parler sans cesse de harcèlement scolaire, puisque celui-ci se déroule aussi hors de l’école et qu’il a souvent des racines dans le milieu familial et/ou l’éducation des harcelé·es comme des harceleur·euses. Il s’agit d’un phénomène systémique qui doit être reconnu et traité comme tel par la société dans son ensemble.
Ne pas rester seul·e
Plusieurs personnes relèvent ensuite l’importance de la prévention dès le début de l’année scolaire, par exemple en misant sur des activités axées sur le « bien-vivre ensemble », sur la médiation par les pairs, l’apprentissage de l’écoute réciproque et le renforcement personnel.
Lorsque des tensions apparaissent, il est relevé que l’enseignant·e ne devrait pas rester seul·e et prendre rapidement contact avec ses collègues, sa direction et le CAPPES – Centre d’accompagnement et de prévention pour les professionnels des établissements scolaires. Plusieurs remarques font référence à une approche globale et positive du problème. Il est important d’impliquer les familles dans tout le processus de réflexion afin de comprendre ce qui se passe d’une manière large, au-delà des limites de l’école. Il faut aussi rendre visibles les actions positives menées en collaboration avec les services socioéducatifs (SSE) et les personnes-ressources de l’école (médiateurs, médiatrices, pairs ou adultes). Celles-ci permettent de soutenir les personnes fragilisées et de les amener à exprimer leur mal-être sans trop attendre.
Selon l’âge des élèves, diverses mesures sont suggérées. Il est relevé qu’il faut fortifier la confiance en soi des élèves afin de leur apprendre à différencier les simples « chicaneries » d’autres comportements inacceptables et/ou récurrents. Il faut travailler la gestion de la frustration et éviter une approche trop protectrice qui aurait tendance à favoriser la victimisation et non un véritable apprentissage relationnel résilient. Dès la fin du cycle 2, il parait indispensable de discuter en classe de l’utilisation des portables, de l’internet et des réseaux sociaux et de réguler strictement leur usage. Des éducateur·trices et des représentant·es de la police peuvent être appelé·es à l’aide au besoin. Dans les cas de harcèlement avéré, diverses méthodes de suivi peuvent être proposées (Pikas, préoccupation partagée …).
Enfin, plusieurs remarques soulignent que le harcèlement existe depuis toujours, qu’il s’agit d’une détérioration malsaine des relations entre élèves et que chaque génération doit apprendre à s’en défaire. Le travail sur les émotions personnelles et sur la communication, dès le plus jeune âge et durant toute la scolarité, semble absolument nécessaire dans ce but.
Privilégier l’éducation plutôt que l’interdiction
Dans sa prise de position publique à propos des phénomènes de harcèlement, le SAEN tient à rappeler qu’en aucun cas les enseignant·es ne doivent être laissé·es seul·es pour gérer cette problématique, mais qu’ils·elles doivent être soutenu·es par des éducateur·trices spécialisé·es et agir en tant qu’équipes pédagogiques. Il s’agit de privilégier l’éducation plutôt que l’interdiction en misant sur la prévention, la prise en charge des victimes et des bourreaux et un encadrement suffisamment ferme. Tout ceci demande du temps et des moyens humains et financiers, que la société doit investir. Cela en vaut certainement la peine.
Pierre-Alain Porret, président du SAEN
1 Documents disponibles sur le site du Grand Conseil neuchâtelois ou auprès de votre syndicat SAEN.
2 La totalité des remarques déposées sur ce sujet lors de la Journée syndicale 2024 est disponible également auprès du SAEN.