Le SAEN soutient une école plus inclusive, mais avec les moyens humains et matériels nécessaires. Il s’agit avant tout de trouver la meilleure solution pour chaque élève, selon ses besoins particuliers et les moyens à disposition de l’école. Telle était la proposition soumise à la réflexion de nos membres présents à la Journée syndicale 2024. Celle-ci a suscité de nombreuses réactions.
La très grande majorité des enseignant·es soutient l’idée d’une école plus inclusive et accueillante pour les élèves présentant des troubles et difficultés diverses. Mais dans les faits, on constate des contraintes croissantes et parfois insurmontables dans la gestion de certaines classes devenues hétérogènes à l’excès. Les questions sont alors nombreuses :
– Comment, et à quel moment, pose-t-on les bons diagnostics, ceux qui permettent ensuite de mettre en place suffisamment tôt des mesures efficaces pour aider les élèves concerné·es ?
– Qui se charge du suivi des élèves signalé·es placé·es sur les listes d’attente de spécialistes souvent débordé·es ?
– Quand donne-t-on du temps aux équipes pédagogiques pour se rencontrer, réfléchir à leur fonctionnement, établir des stratégies globales pour les classes et individuelles pour les élèves ?
– Que peuvent faire nos directions lorsque les enveloppes financières dévolues aux mesures d’aide sont vides longtemps avant la fin de l’année scolaire ?
– Comment peut-on concilier les directives officielles concernant l’évaluation des élèves avec des mesures pédagogiques individualisées ?
– Comment réagir lorsqu’un élève en souffrance perd complètement le contrôle sur lui-même, perturbe gravement la vie de sa classe et pousse ses enseignant·es vers l’épuisement ?
Toutes ces questions, et bien d’autres, sont légitimes et perceptibles un peu partout en Suisse romande, particulièrement au premier cycle, durant lequel les principales mesures d’accompagnement des élèves en souffrance devraient se mettre en place. Les syndicats reçoivent de nombreuses demandes d’aide individuelle de la part d’enseignant·es concerné·es par cette problématique, des collectifs d’enseignant·es rédigent des lettres de doléances, lesquelles provoquent parfois même des manifestations de rue, comme à Lausanne en juin dernier. Les médias se sont fait l’écho de ces inquiétudes. Depuis longtemps, les syndicats d’enseignant·es remontent ces questionnements auprès des autorités, avec un certain succès puisque la tentation de fermer hâtivement les classes spécialisées a fait place à des réflexions plus larges. L’une d’elles concerne la perméabilité des structures, pour permettre à certain·es élèves d’être pris·es en charge de manière spécialisée tout en restant dans leur classe régulière à temps partiel. Une autre consiste à remplacer les signalements BéP par le nouveau Plan des mesures, lequel devrait diminuer la charge administrative, redonner de l’autonomie aux enseignant·es et permettre de mieux concentrer les aides sur les élèves les plus fragiles. Une autre encore concerne le coenseignement, lequel permet aux responsables du soutien pédagogique de travailler plus étroitement avec les titulaires de classe et de chercher ensemble des modes de travail plus souples et modulables, au gré des besoins quotidiens de la classe. Sur ce thème particulièrement sensible, il nous semble important de souligner que le pragmatisme doit l’emporter sur l’idéologie. Évitons de tomber dans une guerre de tranchées entre « pro » et « anti » inclusion. Les besoins des élèves et de leur famille sont importants. Les limites de l’institution scolaire sont bien réelles. Les moyens financiers et humains disponibles ne sont pas infinis. Nous avons donc la responsabilité de travailler tous ensemble à la recherche de solutions innovantes, de repenser l’utilisation des moyens actuellement consacrés au suivi des élèves pour en maximiser les effets positifs. Dans notre canton, le dialogue est ouvert entre les autorités politiques, les associations de parents et les syndicats d’enseignant·es. Poursuivons nos efforts pour construire une école dans laquelle chacun·e puisse trouver sa meilleure place !
Pierre-Alain Porret, président du SAEN
