SEfFB: Élèves allophones – L’intégration par l’école - 04/2023

SEfFB: Élèves allophones – L’intégration par l’école

L’intégration scolaire des enfants d’origine étrangère est un défi permanent. Exemple à Bienne, ville profondément multiculturelle.

 

 

Que d’eau a coulé sous les ponts depuis ce jour de 1974 où la petite Glenda Gonzalez, alors âgée de 5 ans, débarquait en Suisse, et aujourd’hui, alors qu’elle est depuis deux ans conseillère municipale socialiste biennoise responsable de l’important dicastère de la formation, de la culture et des sports. « À l’époque, les enfants d’immigrés étaient placés dans des classes dites d’adaptation qui leur étaient réservées. J’avais ensuite pu assez vite intégrer une classe " normale ". Les classes d’adaptation ont ensuite disparu », se souvient celle qui, suite à son mariage, s’appelle désormais Glenda Gonzalez Bassi.

Cette forme d’« apartheid » ethnique concernait surtout les petit·es enfants d’origine italienne et espagnole. La Suisse connaissait encore le sinistre statut du saisonnier et venait de justesse de rejeter les initiatives Schwarzenbach, ouvertement xénophobes. En conséquence, l’école publique n’avait pas encore forcément placé sa mission intégratrice en haut de ses priorités. Désormais, à fortiori dans une ville multiethnique comme Bienne qui brasse une population composée de personnes issues de plus de 130 nationalités différentes, l’intégration des élèves allophones passe en revanche aussi par l’école. « Mais il va de soi que le sport, la culture, les loisirs ou activités associatives, ou la rue continuent de jouer un rôle important »,  poursuit-elle.

Tout comme lorsque cette petite fille était arrivée en Suisse avec ses parents, réfugiés politiques chiliens qui avaient fui leur pays au moment du coup d’État de Pinochet qui avait renversé et assassiné Salvador Allende avec la complicité de la CIA, la maitrise d’une langue officielle reste aujourd’hui le principal obstacle à l’intégration scolaire des enfants allophones. « C’est vraiment un grand défi que doivent relever les enseignantes et les enseignants », insiste-t-elle. « Or l’intégration passe par l’apprentissage et la maitrise de la langue. » Un défi non seulement pour les élèves, mais aussi pour leurs parents. « Ce n’est pas toujours évident pour les enseignantes et les enseignants de réussir à entrer en communication avec eux. » Lors de réunions de parents d’élèves, il n’est d’ailleurs pas rare que d’autres adultes servent d’intermédiaires afin d’essayer d’éviter certains malentendus et de communiquer au mieux.

L’agression russe en Ukraine à la fin du mois de février 2022 a encore amplifié la problématique. « Nous ne nous y attendions pas du tout ! », concède Glenda Gonzalez Bassi qui a vu les écoles biennoises devoir accueillir en quelques mois une septantaine de jeunes Ukrainiennes et Ukrainiens en âge de scolarité. La majorité fréquente à Bienne des classes germanophones, car dans les écoles de Kiev ou d’Odessa, la langue de Goethe est davantage enseignée que celle de Molière. Autre défi de taille : « Certains de ces jeunes souffraient à leur arrivée à Bienne de traumatismes compréhensibles dus à la guerre et à l’exil. » D’où la nécessité d’avoir des cellules psychologiques pour leur venir en aide et favoriser leur intégration scolaire. « Mais au fond, cette problématique n’est pas nouvelle pour nous, car nombre d’enfants fréquentant les écoles obligatoires biennoises avaient aussi fui d’autres zones de guerre ou de fortes de tensions », par exemple la Syrie, l’Afghanistan, l’Érythrée ou jadis l’ex-Yougoslavie.

Autre questionnement légitime: quelles qu’en soient son origine et ses causes, cette nouvelle immigration est bien souvent non européenne. Et certaines familles allophones fraichement débarquées accordent une très grande importance à leurs traditions culturelles ou parfois religieuses. Glenda Gonzalez Bassi tente d’avoir une approche pragmatique. « Outre les congés communs à l’ensemble, les élèves ont le droit de prendre cinq demi-jour de congés supplémentaires durant l’année scolaire sans devoir les justifier. Je ne sais donc pas si c’est pour des motifs religieux ou culturels et ça ne me regarde pas », insiste-t-elle. En revanche, la directrice francophone des Écoles publiques biennoises est catégorique sur les demandes de dispenses de disciplines scolaires motivées par des revendications religieuses. « À ma connaissance, nous n’en avons pas. Mais si un élève ou leurs parents venaient à demander à être privés de cours obligatoires en raison de leurs croyances religieuses, quelles qu’elles soient, nous n’entrerions tout simplement pas en matière ! », affirme-t-elle d’un ton catégorique. Cependant, Glenda Gonzalez Bassi est un peu plus évasive quand on évoque la question très controversée de la burkini dans le cadre de leçons de natation. « Pour l’instant, il n’y a eu aucun cas à Bienne. Mais pour moi, la priorité est que chaque élève puisse apprendre à nager. Si une élève veut suivre la leçon de natation en burkini, c’est en ordre. »

En matière d’intégration scolaire des élèves allophones, rien n’est acquis. Au niveau politique, certaines voix très à droite réclament en effet de plus en plus ouvertement le retour aux « classes spéciales » destinées aux jeunes allophones afin, disent-elles, d’éviter un «nivèlement par le bas» du niveau de l’enseignement. « La volonté politique soutient l’intégration et l’inclusion. L’école s’adapte en permanence, mais elle ne peut pas tout. Il se pose forcément la question des ressources pour faire face à tous ces défis. »

Près d’un demi-siècle plus tard, la fille de réfugiés chiliens qui avait commencé à apprendre l’italien avant le français se veut optimiste. « À ma connaissance, davantage d’enseignantes et d’enseignants décident de venir exercer leur profession à Bienne en raison de la qualité et de la richesse qu’offrent les écoles biennoises que de s’en aller pour cette cause. » 

 

Mohamed Hamdaoui

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