Le 20 novembre prochain aura lieu à Berne la journée de la formation germanophone dans le cadre de Swissdidac.
Martin Schäfer, recteur de la PHBern depuis 2009, sera l’un des orateurs le 20 novembre prochain. Il a été interviewé sur sa vision de l’école de demain. Il parle d’une école qui ne fait pas qu’enseigner le développement durable, la diversité et digitalisation, mais qui la vit.
En 2025, la PHBern fête son 20e anniversaire.
www.phbern.ch/20jahre, M.S. aime trouver des solutions aux défis posés par le postulat notamment que chaque enfant mérite une formation de qualité.
La PHBern a 20 ans, vous êtes recteur depuis 2009 : qu’est-ce qui vous motive encore ?
Tous les enfants et les jeunes méritent une bonne formation. Dans mon rôle, je peux y contribuer. J’aime aussi collaborer avec d’autres pour trouver des solutions aux situations difficiles. Nous y sommes souvent parvenus ces dernières années. C’est une joie !
Quelle évolution de la PHBern au cours des vingt dernières années considérez-vous comme la plus précieuse ?
La plus gratifiante : nous sommes devenus un élément incontournable du paysage éducatif du canton de Berne. À ses débuts, la PHBern était controversée et faisait l’objet de nombreuses initiatives politiques. La situation a radicalement changé. Ce qui nous a aidé, c’est d’avoir été perçus comme une partie intégrante de la solution lors des crises – Covid-19, Ukraine, pénurie d’enseignant·es. Cela n’est possible que grâce à notre réseau avec les écoles, les associations et le département de la Direction de l’instruction publique et de la culture du canton de Berne (INC).
À cette fin, nous avons développé une attitude positive. Au cours des premières années, nous avons dû nous établir en tant que haute école et privilégier l’orientation académique. Nous avons désormais trouvé un bon équilibre entre orientation pratique et académique, et nous nous considérons comme une haute école fortement connectée au monde professionnel. De nombreuses écoles sont convaincues que la collaboration avec la PHBern les aidera à progresser.
En partie parce que de nombreux·ses étudiant·es enseignent …
Exactement : 72 % de nos étudiant·es, soit plus de 2000, enseignent. C’est aussi la raison pour laquelle nous sommes présents dans de nombreux établissements. C’est un défi, mais aussi une opportunité.
Comment la PHBern parvient-elle à préparer les étudiant·es qui travaillent actuellement en milieu scolaire à ne pas se perdre dans la vie pratique de l’école ?
À vrai dire, ce n’est pas facile. D’une part, nous avons développé de nouvelles formes de stages. Les étudiant·es peuvent effectuer la plupart de leurs stages sur leur propre lieu de travail. Cela leur donne l’occasion de réfléchir à leurs actions en toute autonomie, d’échanger avec d’autres et de développer leurs expériences professionnelles. Nous sommes également en dialogue avec les directions d’établissement. En cas de besoin, elles ont généralement tendance à donner quelques cours supplémentaires aux étudiant·es. Nous leur disons : allégez leur la charge de travail malgré tout pour qu’ils·elles puissent terminer leurs études. Les étudiant·es souhaitent étudier, mais ils·elles souhaitent aussi aider les écoles.
De plus, nous travaillons constamment à l’amélioration des programmes afin que les étudiant·es puissent mieux combiner leurs expériences professionnelles et leurs études.
Le programme a été assoupli et rendu plus flexible.
Des parcours d’apprentissage librement sélectionnables, des cours magistraux indépendants du lieu et de l’horaire, des possibilités d’apprentissage adaptées aux besoins d’apprentissages individuels. Cela favorise la coexistence entre études et enseignement et est apprécié par les étudiant·es. En même temps, cela exige une grande responsabilité personnelle de leur part.
Les études ne deviennent-elles pas alors une préoccupation secondaire ?
Si les étudiant·es maintiennent leur volume d’enseignement dans une fourchette réaliste, avec le soutien de la direction de leur établissement, leurs études resteront une priorité, même si cela durera un peu plus longtemps que s’ils·elles n’enseignaient pas.
Qui devrait devenir enseignant·e aujourd’hui ?
Des personnes qui souhaitent façonner l’avenir, accompagner et soutenir les enfants et les jeunes. Elles doivent être ouvertes à la nouveauté, désireuses d’apprendre et prêtes à s’affranchir des idées reçues sur le fonctionnement de la formation. Elles doivent être capables de comprendre des situations complexes, un point souvent sous-estimé. Pour offrir une formation de qualité à toutes et tous les enfants, les enseignant·es doivent posséder non seulement des compétences spécifiques à leur discipline, mais aussi de solides capacités d’analyse et une grande créativité dans l’élaboration de solutions, notamment auprès des plus jeunes.
De plus, ils·elles doivent être capables d’offrir aux enfants un cadre dans lequel ces dernier·ères se sentent en sécurité et à l’aise. Le niveau relationnel est essentiel, au même titre que le niveau spécifique à la discipline.
Façonner l’avenir et entretenir simultanément des relations, ensemble au sein d’une communauté : telles sont les caractéristiques importantes qui distinguent les enseignant·es compétent·es à tous les niveaux.
Imaginez que vous soyez un développeur pédagogique démarrant demain avec des possibilités illimitées. Que mettriez-vous en œuvre ?
J’aurais besoin d’une fée ou d’un magicien. D’un coup de baguette magique, elle·il ferait en sorte que chacun·e oublie le fonctionnement des écoles. Alors, tous les adultes et les enfants des villages et des quartiers urbains se rassembleraient et réfléchiraient à ce qui est nécessaire pour que les enfants apprennent bien dans leurs localités respectives.
Quelques critères supplémentaires seraient également nécessaires : le bien-être de toutes et tous doit être assuré. Chacun·e devrait prendre soin de l’environnement et contribuer au bien-être économique de tout le monde. L’apprentissage scolaire doit donc être compatible avec le monde du travail. Toutes les écoles ne seraient pas identiques, car les conditions locales sont différentes.
Un développement partant de la base ? Pouvez-vous donner un exemple ?
Dans certaines écoles, les enfants et les adultes pourraient être présent·es toute l’année. Le rythme particulier des vacances serait aboli. Je suis convaincu que dans ces écoles, l’apprentissage et l’accompagnement seraient étroitement liés.
Davantage d’adultes de la communauté scolaire seraient présent·es et contribueraient à façonner le quotidien, par exemple à travers des projets.
L’organisation interne des écoles serait probablement complètement différente de ce qu’elle est aujourd’hui dans de nombreux endroits. Au lieu de classes, il y aurait probablement d’autres formes de groupes qui donneraient aux enfants un sentiment d’appartenance.
Comment la PHBern peut-elle donner aux enseignant·es les moyens de préparer les enfants et les jeunes à la vie dans une société marquée par la diversité, la numérisation et le développement durable ?
Notre objectif est que les étudiant·es de la PH découvrent notre vision de l’apprentissage et de la formation dans une telle société. Nous nous concentrons sur trois principes directeurs : l’ouverture, l’orientation vers l’apprentissage et l’esprit communautaire.
Nous nous efforçons de mettre en œuvre ces trois principes dans nos formations initiales et continues. Cela permet aux étudiant·es de voir concrètement comment la formation peut fonctionner différemment.
Nous avons déjà franchi les premières étapes. Dans les années à venir, nous souhaitons franchir d’autres étapes importantes, notamment en collaboration avec les écoles. Nous nous considérons tous comme des apprenant·es.
Les professeur·es doivent aussi oublier ce qu’était la formation, n’est-ce pas ?
Oui, nous tous devrions oublier comment était l’école ! La fée serait utile là aussi. « Bling ! » Nous nous engageons sur cette voie avec environ 1000 collaborateurs et collaboratrices, ce qui suscite d’intenses discussions. C’est toujours un plaisir d’entendre qu’une équipe a connu du succès et a progressé.
Le thème de la Journée de la formation est : « Où va l’école ?» Votre réponse ?
Nos enfants sont les créateurs de demain. Une école qui accompagne et soutient les futurs créateurs devra, au cours des prochaines années, examiner en profondeur son fonctionnement, en plaçant systématiquement l’apprentissage des enfants au cœur de ses préoccupations. Une école peut commencer par l’un des quatre piliers suivants : ouverture, individualité, communauté et participation. Par exemple, elle commence par l’apprentissage des enfants et met en place des environnements d’apprentissage ouverts et différenciés. Une autre école met l’accent sur la participation et lance un « salon rouge » où tous les membres de la communauté, y compris les enfants, sont invités à apporter leurs idées sur la manière dont l’école pourrait se développer. Une autre école réfléchit à la manière dont les enseignant·es pourraient alléger leur charge de travail et rechercher des collaborations avec d’autres écoles. Les premiers pas sont généralement le point de départ d’un développement sur le long terme. Il faut du courage pour tisser un premier fil. Il n’est pas nécessaire que ce soit la grande corde.
La réponse à la question de savoir où nous allons n’est pas une question de situation, et certainement pas une question uniforme. Mais c’est une école qui n’enseigne pas explicitement le développement durable, la diversité et la numérisation, mais qui les vit comme une évidence. L’accent est mis sur les enfants et la volonté des adultes de poser les bases d’un premier pas courageux. Cela en vaut la peine – pour les enfants et les jeunes !
Interview mené par Franziska Schwab traduction et adaptation Sylvia Despont
