En plein cœur des journées chargées des élèves et des enseignant·es, un moment suspendu transf orme l’atmosphère de l’École secondaire
du Bas-Vallon à Corgémont (ESBV). Plus un bruit, plus une agitation : pendant quinze minutes, tou tes et tous – élèves, professeur·es, personnels administratifs – plongent dans le monde des livres. Ce rituel, appelé « Silence, on lit », s’installe co mme une respiration dans l’agenda scolaire,
une invitation à découvrir ou redécouvrir le plaisir de lire, sans contraintes ni écrans.
Face à un quotidien où les écrans prennent une place de plus en plus prépondérante, nous avons cherché une manière de motiver les élèves à lire, un geste qui ne se fait pas toujours naturellement. Loin de se limiter à une simple activité, « Silence, on lit » est devenu un véritable levier pour raviver l’intérêt pour la lecture. Et si cette initiative connait un grand succès dans notre école, elle s’inscrit également dans un mouvement plus large, pratiqué dans plusieurs établissements en Suisse romande.
Les résultats sont si positifs que nous ne pouvons que recommander cette activité à d’autres écoles, convaincu·es qu’elle peut transformer le rapport des élèves à la lecture et instaurer un moment de calme et de partage dans les établissements scolaires.
Entretien avec Pascale Siegrist, l’enseignante à l’origine de cette initiative
Pour mieux comprendre les coulisses de la mise en place de « Silence, on lit » dans notre école, nous avons rencontré Pascale Siegrist, enseignante à l’École secondaire du Bas-Vallon à Corgémont. Voici un extrait de notre échange :
Alors, qu’est-ce qui, en premier lieu, t’a donné envie de mettre cela en place ?
Pascale Siegrist : C’est un concours de circonstances. En 2019, j’ai entendu un reportage à la télé sur la mise en place de cette initiative en France. À l’origine, c’était une idée développée en Turquie, et elle prenait de l’ampleur en France. Quand j’ai entendu ça, je me suis dit : « C’est génial ! » On sait que nos jeunes lisent de moins en moins. Ils et elles passent plus de temps sur leurs écrans, donc si on peut leur donner du temps pour lire, c’est déjà une victoire.
Oui, maintenant c’est souvent l’écran qui prend le dessus.
Exactement. Puis, j’ai une collègue à l’école de Courtelary qui mettait cela en place au même moment. Quand elle m’en a parlé, je me suis dit : « Allez, je me lance ! » Alors, j’en ai parlé lors d’une séance des maitre·sses. L’idée a été bien reçue, et c’est comme ça que j’ai commencé.
Mise en place et adaptation
Comment ça s’est passé au début ?
La première année, on a fait ça sur un semestre, mais certain·es enseignant·es trouvaient cela trop long. Cela empiétait sur le temps pour terminer le programme. On a donc ajusté en réduisant à neuf ou dix semaines, juste avant Noël. Depuis, ça fonctionne bien.
Soutien et outils
Et quels outils ou ressources as-tu mis en place pour que ça fonctionne bien ?
Quand j’étais responsable de classe, j’en parlais beaucoup avec mes élèves. Je les emmenais à la bibliothèque scolaire et leur montrais aussi les bibliothèques disponibles dans la région. Une fois, on a demandé aux parents d’apporter des livres pour constituer une bibliothèque libre à l’école. C’était sympa, mais parfois, les ouvrages n’étaient pas adaptés à l’âge des élèves, ou il y avait des soucis logistiques. Par exemple, un élève s’est blessé avec une armoire vitrée.
Ah oui, je m’en souviens !
Oui, mais l’idée était sympa. Cela dit, on pourrait remettre ce concept en place différemment. J’aime aussi chercher des livres pour ados dans les brocantes. J’en ai ramené une cinquantaine une fois, et ça a enrichi l’offre pour les élèves.
Impacts et observations
Et as-tu remarqué des changements dans les habitudes de lecture des élèves ?
C’est difficile à dire, car je n’enseigne pas le français. En anglais, je fais des lectures suivies avec mes élèves. On lit et analyse les romans ensemble en classe. Mais pour le reste, c’est moins visible.
Et dans ton ressenti général, ça marche bien ?
Oui, je trouve que ça fonctionne. Il y a toujours une minorité d’élèves qui font semblant de lire, mais ça ne perturbe pas le groupe. Je ne me focalise plus là-dessus. Tant qu’ils ou elles ne gênent pas les autres, je les laisse tranquilles.
Retours des participant·es
Quels retours as-tu eu de la part des élèves et des enseignants·e ?
Les retours sont globalement positifs. Un questionnaire a montré que certain·es élèves étaient dérangé·es par celles et ceux qui ne lisaient pas et les perturbaient. Mais cette année, je n’ai pas vu ce problème. J’ai sept classes, et je vois toutes et tous les élèves lire. C’est très satisfaisant.
Pourquoi étendre cette initiative ?
Pourquoi d’autres établissements devraient-ils mettre cela en place ?
C’est évident ! Beaucoup de jeunes n’ont pas l’occasion de lire à la maison, surtout si les parents ne lisent pas. C’est à nous, enseignant·es, de les pousser à découvrir la lecture. En cours, on manque souvent de temps pour ça, surtout en français. Cette activité est une opportunité précieuse. Pour moi, ça devrait même être obligatoire.
Raphaëlle Gagnebin