La première promotion du CAS Création artistique et médiation culturelle en milieu scolaire (CAS CREAM) a présenté sa deuxième exposition collective le 15 janvier, mettant en scène les projets des participant·es au café La Cale (situé dans l’écoquartier des Plaines-du-Loup). Cette exposition a été le fruit d’une exploration artistique de la zone urbaine Bossons-Blécherette, s’appuyant sur des moyens tels que le dessin, la photographie, le collage et la peinture. Les lieux chargés de mém oire, comme le vélodrome avec son club de pétanque et sa patinoire, ou encore le Galetas du Centre social protestant, ont inspiré les participant·es dans leur enquête et leurs créations. Celles-ci ont été réalisées dans le cadre de la deuxième partie du module 1 « Être créateur·ice, auteur·ice ».
La créativité émerge entre le vélodrome, le stade et le magasin de seconde main
Les participant·es du CAS CREAM se sont imprégné·es de l’esprit des lieux en parcourant le quartier et en échangeant avec ses habitant·es. Dans la création de Yann Amstutz, l’architecture joue un rôle central, se déployant à la manière de plans-séquences des films de Peter Greenaway. De son côté, la série Fantômes/Rêves d’Aurélia Fauquex révèle les rêves d’enfance des habitant·es à travers collages, gravures et monotypes. Quant aux dessins de Gisèle Comte, ils narrent l’histoire des fantômes du quartier. « Nous produisons toutes et tous des récits », souligne la participante. Les participant·es ont collecté des témoignages en sollicitant les habitant·es pour les contacts de leurs voisin·es, sondant ainsi l’inconscient collectif de la communauté.
Béatrice Aubert et Laetitia Perrottet ont choisi de rendre hommage au vélodrome et à la patinoire (La Grande Finale), en permettant aux habitant·es de faire le deuil de ces lieux destinés à disparaitre. Leur projet propose aux résident·es de taguer les murs de la patinoire avec des éléments graphiques évoquant les activités qui s’y déroulaient. Ce projet participatif de médiation culturelle a été soumis à la Municipalité de Lausanne accompagné d’une demande de subvention. S’il est accepté, une part de l’histoire lausannoise pourrait être préservée à travers ces créations. La valeur patrimoniale du vélodrome est également au centre du projet Cyclophie, porté par Olivia Mosimann, Sophie Brugger et Ester Lacalle Magana. Elles ont dessiné sur des sets de table des sujets liés à l’histoire du cyclisme à Lausanne. Grâce à un qr-code, les visiteur·euses peuvent écouter des témoignages. Ces sets de table, évoquant convivialité et accessibilité, invitent le public à compléter l’œuvre en dessinant des designs de t-shirts pour cyclistes.
Le sport est également à l’honneur dans les travaux de Daniel Ruggiero (You will never walk alone), qui a dédié une série de gravures au football. L’une des œuvres représente la légendaire « Main de Dieu » de Maradona lors du match Angleterre-Argentine de 1986. Une gazette imaginaire, éditée à quelques exemplaires pour la Nuit des musées, rend hommage aux artistes inspiré·es par le football, comme Sandrine Pelletier et Nicolas Zaric. Plus que le sport en lui-même, c’est sa dimension émotionnelle et mythologique qui fascine Daniel Ruggiero, qui a transformé un banc de vestiaire en objet artistique, en gravant sa surface.
Ces premiers exemples rendent compte de certaines dimensions essentielles qui composent la formation du CAS CREAM – s’intégrer dans ses espaces de vie et se les approprier à travers la création et la médiation, dans une optique d’éducation citoyenne et de création collective. C’est aussi une opportunité à explorer ses propres sensibilités et vécus souvent multiples ; et d’entrer dans un dialogue avec soi et l’environnant.
Une exploration artistique sensible et participative
La série photographique Regards croisés met en scène les employé·es du Centre social protestant avec des accessoires choisis dans le magasin de seconde main du Centre. Leur attitude décontractée, empreinte d’humour, illustre que consommer de manière durable et responsable peut être à la fois cool et accessible.
Irène Overney a développé un jeu pliable (Dans mon quartier, il y a) permettant aux enfants du quartier de dessiner ce qu’ils·elles voient ou d’écrire ce qu’ils·elles entendent sous forme d’onomatopées. L’objectif est de créer un livre-leporello, retraçant leur exploration du quartier.
À l’image de ce jeu, l’attention portée aux petites choses du quotidien caractérise l’ensemble des projets des participant·es du CAS CREAM. Cette nouvelle exposition a démontré que toute personne désireuse de devenir médiateur·trice culturel·le peut développer sa créativité et la mettre au service d’un projet original, enrichissant une communauté.
S’inspirer d’une œuvre d’art et collaborer avec un artiste contemporain
Au cœur de l’exposition se trouvait un ouvrage artisanal collectif créé sous la supervision de l’artiste Dominique Gigante. Il s’agit d’un livre d’artiste composé de gravures, collages, dessins, textes. Le·la spectateur·trice avisé·e y reconnaitra les références aux projets des participant·es du CAS CREAM dédiés au vélodrome, aux rêves collectifs et aux fantômes. « Les histoires ont besoin d’espace », lit-on sur le papier calque superposé sur un nuage d’encre noire. L’œil tâche d’y distinguer les formes : serait-il un paysage, un visage? Se confronter aux techniques différentes a permis aux étudiant·es de déployer leur créativité et de dépasser la peur de la page blanche.
Quant à Dominique Gigante, il décrit cette expérience de création collective comme extraordinaire. En encadrant le travail des étudiant·es. il s’est abstenu d’y ajouter sa touche personnelle en se contentant d’être « scénographe » de ce livre. Néanmoins son influence artistique demeure palpable : spécialisé en gravure de taille douce, Dominique Gigante a découvert la création de livres d’artistes durant la pandémie de Covid-19, ce qui a transformé sa pratique vers des techniques plus souples comme la linogravure et le monotype. Ces œuvres mêlent souvenirs et rêves dans un étrange palimpseste composé de gribouillages, fragments de textes, cartes géographiques, graphies et pictogrammes. Dominique Gigante partage ces techniques accessibles en classe lors de ses interventions scolaires.
Un pont est alors bâti entre les espace-temps de création et culture, et ceux de l’école. Voici un des autres objectifs fondamentaux de la formation CREAM, qui propose à chacune et chacun de vivre des actes de création et d’établir un lien fort avec les élèves sur la base de l’expérience personnelle de la création, de la culture et de l’art. Pour découvrir les autres facettes de la formation, en particulier la mise en projet de la médiation, rendez-vous à www.hepl.ch/cas-cream ; les inscriptions sont ouvertes.
Enfin, les deux-cents œuvres de la collection de la HEP Vaud (FOAC), parmi lesquelles figurent les livres « leporello » de Dominique Gigante, contribuent aux expériences de médiation culturelle en milieu scolaire. Les enseignant·es ont la possibilité d’emprunter les œuvres du FOAC pour les présenter dans le cadre d’un projet de médiation culturelle dans leurs établissements scolaires respectifs. Utilisée régulièrement par les formateur·trices de la HEP Vaud dans leurs modules d’enseignement, cette collection ne cesse de s’étoffer de nouvelles acquisitions.
Alexandra Kaourova, médiatrice culturelle de la HEP Vaud, Anne-Marie Baronian, collaboratrice scientifique, référente du CAS CREAM au sein de la Filière formation continue certifiée, HEP Vaud