Une maturité mixteà Neuchâtel ? Mais comment ? 

Après les élections du mois de mars, qui ont vu la gauche reprendre la majorité au Conseil d’État, une nouvelle législature commencera dès le mois de mai dans le canton de Neuchâtel. À l’heure où j’écris ces lignes, le nom du·de la futur·e Chef·fe de l’Éducation n’est pas encore connu. Cependant, il y a une certitude, c’est qu’un dossier prioritaire et particulièrement délicat se trouve déjà sur son bureau… 

Septembre 2022 : Neuchâtel, Vaud et le Jura répondent négativement à la consultation du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) et de la CDIP à propos de la durée minimale pour la préparation de l’examen de la maturité fédérale. Non, ces trois cantons ne souhaitent absolument pas une durée d’études de quatre ans pour le lycée et ils le disent haut et fort. Dans le même temps, le SER, soutenu par le SSP, la SSPES, la CLACESO et la FAPERT disent radicalement le contraire. Oui, une durée d’études de quatre années au lycée est parfaitement légitime, et cela sans aucune réduction de la scolarité obligatoire. Selon eux, la maturité fédérale devrait donc s’acquérir en 15 années d’études (11+4), soit une de plus qu’actuellement, pour donner le temps à nos jeunes d’assimiler des exigences et contenus scolaires en constante augmentation. 

22 juin 2023 : La décision fédérale tombe. La maturité se fera obligatoirement en quatre années, ceci dès 2032. Les cantons sont chargés de s’organiser en conséquence d’ici-là, sous peine de se voir refuser la reconnaissance de leurs diplômes. Aïe … 

Mars 2024 : Après consultation, laquelle a révélé une large adhésion au système 11+4, notre Conseil d’État, soucieux d’économies, décide d’opter pour un « système mixte » tel que pratiqué à l’heure actuelle par d’autres cantons. Ce qui signifierait que, dès 2032, une partie de nos élèves quitteraient le cycle 3 après la 10e pour entrer au lycée (10+4), alors que les autres termineraient normalement leur 11e avant d’entamer un apprentissage ou de rejoindre à leur tour le lycée (11+4). 

Novembre 2024 : Les membres du SAEN présent·es à la journée syndicale plébiscitent le modèle 11+4. De nombreux arguments pour cette option sont présentés :

Pression et redoublements diminués au cycle 3 comme au lycée

« Le lycée actuel en trois ans fait peser une énorme pression sur les épaules des lycéen·nes. »

«Être performant·e toujours plus tôt, plus vite ! Où va-t-on ? »

Possibilité donnée à toutes et tous les élèves de terminer leur scolarité obligatoire « tranquillement »

« Chaque élève a droit à une école obligatoire sur 11 années, peu importe le choix de son avenir professionnel. »

« 11+4, pour le bien de toutes et tous les élèves ! »

« C’est honteux dans un pays si riche d’économiser sur le dos des jeunes ! »

« Pas d’éducation au rabais ! »

Meilleur investissement dans l’orientation des élèves et dans leurs projets personnels

« L’avenir, ce sont nos jeunes et c’est pour cette population que l’on doit investir ! »

« 10 années obligatoires = risque accru de précarisation des jeunes en décrochage ! » 

Valorisation de la formation professionnelle

« Scandaleux ! La société a plus besoin de personnes manuelles qu’intellectuelles. » 

« Et la formation obligatoire jusqu’à 18 ans ? On en reparle ? Cela éviterait que des élèves soient abandonné·es … » 

Évitement du vieux piège de l’élitisme académique

« Comment justifier une année obligatoire supprimée pour «  l’élite  » ? » 

« 10+4 ? Mais ces élèves neuchâtelois auront-ils les compétences nécessaires pour les grandes écoles telles que EPFL ou EPFZ ? » 

Revalorisation de la 11e par des stages professionnels et/ou des séjours linguistiques et accompagnement de chaque jeune jusqu’à l’âge de 18 ans dans son projet de formation

« Il manque une « école » après la 11e , qui ne soit ni pour l’élite (lycées) ni pour les enfants qui savent ce qu’ils veulent faire (apprentissages). Il faut une école pour les indécis·es, ceux qui sont en difficulté ! Une école qui les réconcilie avec l’école, qui les aide à trouver leur voie. » 

« N’oublions pas que la maturité d’un·e enfant ne peut être rabotée. Ils·elles ne sont pas toujours prêt·es si tôt (à 13 ans) pour entrer dans la peau d’un·e étudiant·e. »

Conclusion (provisoire)… 

Les travaux sont maintenant lancés au sein d’un comité de pilotage cantonal et de plusieurs groupes de travail spécifiques. Cette année, un projet sera mis sur pied par nos autorités. En 2026, le Grand Conseil en sera informé, de telle manière que la décision finale puisse être prise, après les consultations et délais légaux, en 2027. Les élèves actuellement en 3e devraient ainsi avoir la chance d’entrer dans ce nouveau système à la rentrée d’aout 2032. Pour le SAEN, le système mixte envisagé comporte trop d’inconnues et d’incertitudes, et nous tenons absolument à ce que l’avis des enseignant·es concerné·es soit écouté et pris en compte.

Pierre-Alain Porret, président du SAEN