VD: Inclusion ... piège à c ... ? - 04/2023

VD: Inclusion ... piège à c ... ?

Si les constats et opinions exposés ici à propos d’inclusion scolaire s’expriment en termes différenciés, ils se rejoignent sur au moins un point : le système sature ! Et si l’on n’y prend garde, on court à l’implosion pour certains, à l’explosion pour d’autres ... peu importe d’ailleurs le terme employé, le résultat sera le même, à savoir des enseignantes et enseignants au bout du rouleau, des élèves mal instruit·es et, in fine, un système qui fatalement un jour ou l’autre devra payer la facture.

 

 

SPV

Société Pédagogique Vaudoise

Son Point de Vue

Cela fait plusieurs années que la SPV communique avec le Département à propos de l’inclusion scolaire. Elle avait demandé la passation d’un questionnaire dès la mise en œuvre du Concept 360° ( sous l’ère Amarelle ), mais rien n’avait été réalisé. Le nouveau conseiller d’État, F. Borloz, n’a pas vraiment non plus répondu favorablement à la demande, prétextant notamment le besoin de comprendre le fonctionnement du concept avant de lancer un questionnaire. Or, le département a tout de même lancé un sondage, adressé aux directions et décanats. Si la SPV ne se prononce pas sur l’idée d’un questionnaire adressé aux directions, elle interroge toutefois la nature de certaines questions et pointe le fait que les enseignantes et enseignants n’aient pu donner leur avis. En d’autres termes, du point de vue de la SPV, on cherche notamment à quantifier une éventuelle résistance à la mise en œuvre d’une école à visée inclusive, sans s’adresser directement auprès des principales et principaux intéressé·es, ni prendre d’informations plus qualitatives. Par exemple, si résistance il y a, quelles pourraient en être les raisons ? Par idéologie ? Par manque de moyens financiers ? etc.

C’est ainsi que la SPV a décidé de lancer, elle aussi, un questionnaire pour entendre le terrain, conjointement avec la SSP-Vaud et la SVMS. Les principaux résultats se déclinent en six points :

1. Des démarches de plus en plus compliquées et lourdes pour obtenir de l’aide ;

2. Un manque de moyens pour remplir les missions de l’école ;

3. Des refus, surtout durant les premières années scolaires ;

4. Des conditions d’enseignement déjà dégradées ;

5. Une tension entre deux missions de l’école : sélectionner et faire progresser toutes et tous les élèves ;

6. Une forte pression sur les conditions de travail, en particulier pour les titulaires de classe et les temps partiels.

Il est clair que lorsque l’inclusion se transforme en périodes d’aide attribuées à la petite semaine, quatre périodes d’assistanat intégratif pour un élève présentant un trouble du spectre autistique par-là, deux périodes d’appui par ici, trois périodes de PPLS à caser entre la gym et la grammaire, la classe se transforme en système ingérable. « On peut comprendre les enseignantes et enseignants qui disent ne plus pouvoir faire leur job. Les collègues n’en peuvent plus », indique Gregory Durand, président de la SPV.

Malheureusement, la demande de mise sur pied d’Assises de l’inclusion, réclamée par la SVP, n’a toujours pas été entendue par le Département.

 

L’inclusion : un tournant pédagogique ?

Si les politiques budgétaires engagent des sommes importantes en faveur d’une école à visée inclusive, il ne faut pas que ces dernières servent une fois encore à engager un·e quinzième intervenant·e « bout de ficelle » pour pallier un système défaillant. Plus on va rajouter des strates et aides externes, plus on conduit le système à un déséquilibre. Au final, on aura un très ( trop ) grand nombre d’hyper-spécialistes, au détriment des généralistes et enseignant·es ordinaires.

« Ce que montre le questionnaire de la SPV est que soit les enseignant·es estiment qu’ils n’ont pas assez d’aide, soit qu’ils en ont trop. La collaboration semble prendre trop de temps. Est-ce que les personnes qui se plaignent le plus du manque d’aides dans les classes sont les mêmes que celles qui se plaignent du poids de la collaboration ? Il s’agirait de mieux comprendre d’où viennent les problèmes », témoigne une collègue sous couvert d’anonymat. « Plus les pratiques sont homogènes, plus les enseignantes et enseignants sont en difficultés face à la diversité des élèves. Et plus ils réclament de l’aide, moins ils estiment que c’est à eux de différencier », ajoute-t-elle. Or, pour s’en sortir, il nous faut changer. Pour certaines, certains, il s’agit d’adopter plus de flexibilité, une conception universelle de l’apprentissage, pour d’autres de reprendre le contrôle du métier. C’est le tournant pédagogique proposé. Sommes-nous toutefois prêts et prêtes à ( re )penser nos pédagogies, à faire confiance aux professionnel·les, à leur rendre en quelque sorte leur autonomie ? Par exemple, la consultation collaborative est censée soutenir l’enseignant·e et faciliter la collaboration entre professionnel·les, mais si elle devient une procédure de plus, dans un système saturé, tout ne peut que s’écrouler.

Plus les enseignant·es sont autonomes, moins ils et elles ont de besoins dans les classes. C’est là l’hypothèse émise par quelques personnes formatrices. Plusieurs enseignant·es se disent et se sentent incompétent·es. Ils·elles délèguent donc certaines tâches, notamment aux enseignant·es spécialé·es. Or, ces dernièr·es sont-ils, sont-elles réellement plus compétent·es que les enseignant·es ordinaires ?, questionne un collègue. « Certains ont des formations d’éducateurs ou d’éducatrices et expriment clairement premièrement qu’ils ne sont pas payés pour suppléer les lacunes ou l’absence de flexibilité ( si tant est qu’elles soient avérées ) des enseignants ordinaires et, deuxièmement, qu’eux aussi ne se sentent pas forcément compétents pour enseigner. » Nous avons peut-être affaire là à une conséquence d’une certaine façon de mettre en œuvre l’école à visée inclusive dans le canton de Vaud. Dans les grandes lignes, plusieurs décisions et mouvements conjoints ont probablement conduit à la situation que nous vivons actuellement.

 

Des généralistes dépossédé·es de leur pédagogie

Premièrement, la fermeture de classes spécialisées gérées par les établissements ordinaires a généré une répartition des élèves ayant des besoins particuliers dans les classes ordinaires. Deuxièmement, la mise en œuvre du Concept 360° a conduit les enseignantes et enseignants à poser un regard différent sur les élèves, autrement dit à identifier, voire diagnostiquer leurs besoins plus finement, afin de répondre à tous ces derniers. Troisièmement, pour répondre à l’ensemble des besoins des élèves, on a mis à disposition un large panel de spécialistes indiquant aux généralistes qu’ils·elles devaient faire appel à ces dernièr·es à travers des procédures de plus en plus chronophages. Le panier n’étant pas inépuisable et le temps d’attente relativement long entre un signalement et la réponse, les demandes d’aide et rapports ont été rédigés de plus en plus tôt dans la scolarité des élèves ( ceci afin d’être certain·e que ces dernièr·es puissent bénéficier des aides au moment voulu ). Quatrièmement, ce qui faisait autrefois partie des outils de base du pédagogue est devenu « un aménagement », ceci d’autant plus que les pratiques, notamment évaluatives, se sont rigidifiées, devant faire l’objet d’une annonce aux parents et d’une autorisation de la direction. Typiquement, (re)lire des consignes à certain·es élèves ; mettre en page les documents proposés aux élèves en utilisant une police sans empattements, etc. Ce que nous faisions absolument naturellement est devenu un geste nécessitant une procédure contrôlée, parfois à la demande même d’enseignant·es soucieuses et soucieux de l’égalité de traitement entre les élèves. Enfin, les parents se sont interrogés quant aux moyens réels que l’école possède pour réaliser une école à visée inclusive et s’assurer que leurs enfants allaient recevoir l’instruction qu’ils et elles méritent, exigeant parfois plus que de raison des moyens supplémentaires à la réussite de leur enfant ou, au contraire, s’opposant aux mesures d’aménagements et demandes de bilans qu’ils jugent stigmatisantes, ce qui a contribué à une certaine surcharge de travail pour les professionnel·les.

C’est ainsi que progressivement, sans le vouloir, nous avons déprofessionnalisé les généralistes, les réduisant à des technicien·nes de la répartition et de l’orientation au lieu de les considérer comme les bâtissereuses des citoyennes et citoyens de demain. 

 

Sandrine Breithaupt

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