VD : Le rôle de l’empathie à l’école ou quand apprendre rime avec comprendre

Si l’on reconnait que l’école joue un rôle essentiel dans le développement de l’enfant et qu’elle a pour mission indéfectible d’instruire, de former et d’éduquer, il semble important de rappeler qu’à l’heure où l’on remanie l’apprentissage et l’enseignement pour s’adapter aux nombreux défis et changements de notre époque, comme l’arrivée de l’intelligence artificielle, développer l’empathie dès le plus jeune âge devient alors une urgence éducative.

Ces dernières années, alors que les débats sur la santé mentale, le bien-être des élèves ou la question de l’inclusion se multiplient en Suisse et ailleurs, une certitude s’impose : parmi toutes les compétences à cultiver, l’empathie est peut-être la plus essentielle. Mais la transmettre à l’école n’est pas une chose facile. On ne l’enseigne pas comme un théorème ou une règle de grammaire. Elle ne s’inscrit pas dans un cahier, elle se vit, s’expérimente et se construit dans la relation avec l’autre. C’est dans sa complexité en tant que compétence socioaffective qu’elle doit être appréhendée, puisqu’elle ne se réduit pas à un point supplémentaire au programme, mais qu’elle transforme aussi la manière d’enseigner.

L’école est alors le lieu idéal pour aider à la cultiver. Chaque jour, des enfants d’origines, de milieux et de cultures différents y cohabitent, s’entraident et s’affrontent parfois. Dans cette « micro-société », elles et ils découvrent ce que signifie faire partie d’un collectif. En les aidant à reconnaitre et à comprendre leurs émotions, ainsi que celles de leurs camarades, on leur donne les clés d’une vie sociale plus équilibrée et on les prépare aussi à la démocratie dont les fondements sont le respect et la compréhension d’autrui.

L’empathie pour mieux vivre ensemble

Apprendre l’empathie, c’est apprendre à comprendre avant de juger et à accueillir la différence plutôt qu’à la craindre, alors même que la réaction est actuellement plus encouragée que la réflexion. Comme le rappelle l’UNESCO, développer l’empathie devient alors un acte citoyen, car « l’apprentissage de l’empathie est une stratégie fondamentale pour construire la paix et renforcer la cohésion sociale » (2023). L’éducation à l’empathie est donc une condition sine qua non du vivre-ensemble.

Plusieurs pays ont déjà adopté un enseignement axé sur l’empathie. En France, certaines écoles proposent depuis quelques années des ateliers d’intelligence émotionnelle et de communication bienveillante (Zanna et Jarry, 2019). Au Danemark, des cours similaires existent depuis 1993 pour lutter contre le harcèlement scolaire et les résultats sont très encourageants. La conviction derrière ces initiatives est que « plus je te connais, moins il y a de chances que je te harcèle » (France Culture, 2023). Dans le canton de Vaud, quelques écoles primaires proposent également ces cours d’empathie et à Neuchâtel, le projet Happy Schools lancé en 2023 explore le lien entre le bonheur et l’apprentissage à l’école (Movetia, 2024).

Cultiver la bienveillance pour mieux apprendre

Le rôle des enseignant·es est crucial dans ce contexte. L’empathie ne se transmet pas seulement, elle se vit également à leur niveau. Un·e enseignant·e qui écoute sans juger, qui reformule un malaise ou reconnait la détresse d’un·e élève montre par l’exemple comment comprendre l’autre. De plus, ce que l’adulte fait en classe ou en dehors de celle-ci a également un effet. L’enfant apprend par mimétisme, en observant le climat relationnel qui l’entoure. Former les enseignant·es à ces compétences émotionnelles leur permet d’enseigner avec bienveillance. De multiples recherches, diffusées entre autres par le Mahatma Gandhi Institute of Education for Peace and Sustainable Development (MGIEP), démontrent que « l’enseignement fondé sur l’empathie et la compassion renforce la motivation des élèves et réduit les comportements violents » (2022). Autrement dit, le respect mutuel et la compréhension sont des moteurs de l’apprentissage. Dans une classe où règnent le sentiment de sécurité, la confiance et la bienveillance, la curiosité et le plaisir d’apprendre reprennent naturellement leur place.

Néanmoins, il faut reconnaitre que tout cela nécessite des ressources et du temps. Instaurer une culture de l’empathie à l’école ne se résume donc pas à ajouter un cours supplémentaire, mais à transformer en profondeur la manière dont on vit en classe et dont on forme les enseignant·es. Dans le contexte suisse, où l’école est présentée comme un espace de cohésion et d’équité, ce constat est plus que jamais d’actualité, car concevoir une école empathique, c’est offrir aux générations futures une éducation au lien. L’école de demain ne devra donc pas seulement être numérique, inclusive ou durable, mais aussi empreinte d’empathie et d’humanité.

Arlinda Ramqaj